Le blog d’une fille d’Iraq... Parlons guerre, politique et occupation
Baghdad Burning
... I'll meet you 'round the bend my friend, where hearts can heal and souls can mend...
... rendez-vous au détour de la folie, mon ami-e, là où les cœurs peuvent guérir et les âmes se recoudre ...
Lundi 27 février 2006
Journées explosives...
Les dernières journées ont connu une violence traumatisante en dépit du couvre-feu. Nous avons simplement attendu à la maison d’en voir la fin en demeurant optimistes. Le téléphone ne fonctionnait pas et la situation de l’électricité ne s’est pas améliorée. Nous sommes cependant parvenus à un point tel que des choses comme l’électricité, les téléphones et le carburant nous semblent des sujets mineurs d’inquiétude. S’en plaindre même est un luxe que les Iraqiens ne peuvent se permettre ces jours-ci.
Les bruits de tirs et d’explosions commencent d’ordinaire à l’aube, au moment du moins où je les perçois pour la première fois, et ils ne s’éteignent réellement que tard dans la nuit. Il y a eu un bref échange de coups de feu sur la grande rue proche de notre quartier avant-hier, mais à l’exception de tirs contre la mosquée locale et d’un cadavre trouvé à l’aube à trois rues d’ici, la situation a été relativement tranquille.
Certains de nos voisins ont discuté de la possibilité que les hommes établissent une surveillance du quartier. C’est ce que nous avions fait pendant la guerre et le chaos qui l’a immédiatement suivie. Le problème actuel est que les forces iraqiennes de sécurité sont autant à craindre que les hommes en noir et encagoulés qui attaquent les mosquées, les maisons, etc.
On ne dirait pas une guerre civile parce que les Sunnites et les Chiites ont grandement montré leur solidarité ces derniers jours. Je ne parle pas des ecclésiastiques, des fanatiques religieux ou des politiciens — mais des gens ordinaires. Notre quartier est mélangé, et les Sunnites et les Chiites ont tout autant été indignés par les attaques perpétrées contre les mosquées et les lieux de prière. Les téléphones ont été coupés, mais nous nous sommes entendus sur un moyen de communiquer très primitif. Qu’une maison du quartier soit assiégée, quelqu’un tirera en l’air trois fois. S’il n’est pas possible de tirer en l’air, alors quelqu’un de la maison devra essayer de faire connaître la situation en montant sur le toit.
Les mosquées aussi ont un code pour communiquer en cas d’ennuis, c’est-à-dire quand elles sont attaquées : l’homme qui lance l’appel à la prière crie trois fois « Allahu Akbar » jusqu’à ce que des gens du quartier viennent aider à protéger la mosquée ou la personne concernée.
Hier on a montré des Sunnites et des Chiites priant ensemble dans une mosquée, et bien que cela semblât encourageant, je n’ai pu m’empêcher d’éprouver de la colère. Pourquoi ne disent-ils pas tout simplement à leurs milices de se retirer — de cesser leurs attaques contre les mosquées et les husseiniyas — de cesser de terroriser les gens ? C’est si trompeur et si vide à la télévision — comme une vision paisible venue d’un autre pays. Le gouvernement iraqien joue les indignés, mais il ne fait rien pour juguler la violence et l’effusion du sang après le couvre-feu. Et où sont les Américains dans tout cela ? Calés dans leurs fauteuils, ils laissent les choses aller — parfois ils envoient un hélicoptère ici ou là — mais en général ils ne s’impliquent pas.
Je lis, et j’entends évoquer, la possibilité d’une guerre civile. La possibilité. Pourtant, je suis ici à me demander si ce que nous vivons est vraiment ce qu’on entend par guerre civile. Est-elle devenue réalité ? Est-ce que nous nous retournerons sur cette année, ces deux ans... dix ans... et nous dirons, « Elle a commencé en février 2006... » ? C’est comme un cauchemar dans lequel vous n’avez pas conscience que c’est un cauchemar pendant que vous le faites — ce n’est que plus tard, une fois réveillés le cœur battant, et vos yeux cherchant un point lumineux dans les ténèbres, que vous prenez vraiment conscience que c’était un cauchemar...
- posté par river @ 2:27 AM
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