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169 Le Moyen Âge et ses dissidents religieux
Benoît BEYER DE RYKE

Benoît BEYER DE RYKE — FNRS / ULB

Le Moyen Âge et ses dissidents religieux : cathares et béguines, XIe-XIVe siècles

« Sectes » et « hérésies » de l’Antiquité à nos jours,
Le rapport au pouvoir

Colloque international Université Libre de Bruxelles, Institut d’Étude des Religions et de la Laïcité, Bruxelles 2-3-4 mai 2002

Éd. Alain Dierkens, Anne Morelli
Collection « Problèmes d’histoire des religions »
(Les Éditions de l’Université de Bruxelles.)
(Le livre est à notre disposition au format PDF.)

 

Extrait de l'introduction de l’ouvrage par Alain Dierkens et Anne Morelli :

L’honorable label de « religion » et son homologation par les pouvoirs politiques

En matière de foi, étant tous deux incroyants, nous suspendons bien sûr notre jugement pour n’observer ici que des phénomènes religieux, nécessairement en interaction avec les réalités sociales et politiques de leur époque. On ne se demandera donc pas, au fil des pages de ce livre, si les sectes ou les hérésies sont des spiritualités « dévoyées » par rapport à la « vraie » religion. Il s’agira, par contre, de comprendre comment, selon quels mécanismes, un courant spirituel acquiert — ou non — l’honorable label de religion. On se posera la question de savoir
— pourquoi une foi est licite ou non ;
— quel est le poids des instances politiques dans le processus d’homologation d’une option religieuse ;
— selon quels critères la reconnaissance tant recherchée est accordée ;
— qui, finalement, décide qu’un groupe pourra porter le label de vraie foi ou de « religion » et que les groupes rivaux ou concurrents ne seront que des « sectes » ou des « hérésies ».

 

 

Résumé

Dans cette étude, je me propose de présenter, dans un premier temps, les nouvelles tendances de l’historiographie concernant les hérésies médiévales, ce que je suggère d’appeler une « révolution copernicienne » dans l’approche du fait hérétique (au lieu de partir de l’hérésie elle-même, on s’attache à présent au discours anti-hérétique de l’Église qui « crée » l’hérésie pour mieux affirmer son pouvoir). Ensuite, pour illustrer cette nouvelle manière d’envisager le fait hérétique, je présenterai deux cas particuliers d’« hérésies » médiévales : à savoir le catharisme et le mouvement béguinal. Pour chacun d’eux, je commencerai par une présentation des doctrines telles qu’elles nous sont connues (sachant que les sources sont le plus souvent leurs censeurs), puis j’évoquerai la répression dont ils ont été l’objet de la part de l’autorité ecclésiale. La conclusion apparaîtra alors clairement : il n’existe d’hérésie que là où l’Église et le pouvoir politique la font exister.

 

Historiographie des hérésies médiévales : une « révolution copernicienne » dans l’approche du fait hérétique

On peut situer le grand tournant historiographique concernant les hérésies médiévales à la fin des années 1980, dans le travail de l’historien britannique Robert I. Moore 1 qui inverse les termes relatifs à l’histoire de l’hérésie : alors que l’on s’interrogeait sur la subite floraison des hérésies après l’an mil qui aurait poussé l’Église, sur la défensive, à contre-attaquer en réaffirmant le dogme, Robert I. Moore porte l’accent sur l’Église elle-même qui, par son activité réformatrice, crée en retour une frange d’exclus — parmi lesquels les hérétiques, et bientôt les juifs et les lépreux — pour mieux assurer son pouvoir. Ainsi se serait créée, après l’an mil en Europe, une « société de persécution ». La dénonciation de l’hérésie est en effet nouvelle en Occident. En gros, on n’avait pas dénoncé ni condamné d’hérétiques depuis Priscillien d’Avila (décapité à Trêves en 385) 2. Une fois l’arianisme disparu 3 (dans le royaume franc au VIe siècle avec le règne de Clovis et de ses fils, en Italie avec la destruction du royaume ostrogothique de Théodoric lors des guerres de Justinien, en Espagne après la conversion en 587 du roi wisigoth Récarède), on ne trouve plus de témoignage indiquant que l’on ait reproché à des laïcs de dévier de la foi catholique. Il fallut attendre 1022 pour que réapparaisse une condamnation pour hérésie : une douzaine de chanoines d’Orléans sont brûlés vifs sur ordre du Capétien Robert le Pieux. 4 Il faut s’interroger sur ce long « silence » de l’hérésie pendant sept siècles. La chrétienté occidentale réformatrice et post-réformatrice redécouvre et réactualise l’idée d’hérésie en même temps que la papauté ordonne son message et se fait combattante (élaboration du concept de guerre sainte et appel à la croisade). Dans la foulée de Robert I. Moore, des historiens comme Monique Zerner 5, Anne Brenon 6, Dominique Iogna-Prat 7 rendent compte dans leurs travaux, chacun à leur façon, de ce tournant historiographique : pour eux-aussi, les hérésies ont été « inventées » 8 par l’Église médiévale pour appuyer ses prétentions à dominer le monde. Afin d’illustrer cette manière nouvelle de voir les choses, je voudrais à présent aborder deux mouvements dissidents médiévaux, parmi la multitude de ceux qui ont vu le jour à cette époque. Dans ces deux cas, je montrerai que nous avons affaire à des courants chrétiens (certes parfois hétérodoxes) qui ont été rejetés dans l’hérésie, du fait de l’autorité ecclésiale.

 

Deux cas particuliers : le catharisme et le mouvement béguinal

A. Le catharisme

À quel moment le phénomène cathare s’est-il déroulé ? On peut donner la fourchette chronologique suivante : XIe siècle – début XIVe siècle (le dernier parfait cathare, Bélibaste, est brûlé en 1321). Quant à la géographie du catharisme, bien qu’on y associe toujours le Languedoc, elle excède en réalité le Midi de la France puisque qu’on trouve des traces de ce mouvement en Lombardie, en Champagne, dans les Flandres et en Rhénanie. Cependant, il n’en demeure pas moins que le centre géographique du phénomène est le Sud de la France. Hérétiques pour l’Église de Rome et de Cîteaux (Bernard de Clairvaux voyait en eux des « apôtres de Satan »), les cathares se considéraient eux-mêmes comme la vraie Église du Christ. Qui furent-ils réellement et quelle était leur doctrine, c’est ce que je vais tâcher de considérer ici 9, avant d’en venir à la répression dont ils ont été l’objet.

Le problème récurrent pour la connaissance des mouvements dissidents du Moyen Âge (et sans doute d’autres époques) est celui des sources. Comme l’exprime pertinemment Georges Duby, « nous ne savons rien de l’hérésie, sinon par ceux qui l’ont pourchassée et vaincue, par des actes de condamnation, de réfutation ». C’est donc le point de vue du vainqueur qui nous donne accès — le plus souvent — à la pensée du vaincu. En outre, depuis les études du pasteur Napoléon Peyrat dans la seconde moitié du XIXe siècle 10, et plus encore depuis quelques décennies, s’est formé un véritable mythe cathare qui doit davantage à l’imagination qu’à la connaissance historique sérieuse. 11 Dans les années 1950, le problème du catharisme semblait résolu : il s’agissait, pour les théologiens et les historiens des religions qui se penchaient sur cette hérésie, d’une résurgence médiévale de très anciennes croyances zoroastriennes et manichéennes 12, extérieures et au christianisme du Moyen Âge et à l’Occident, transmises au monde latin via les pauliciens 13 et les bogomiles 14. Aujourd’hui, l’approche a changé, notamment suite à la découverte de nouvelles sources d’origine cathare, qui ont été publiées à partir du milieu du XXe siècle 15, et aussi en raison de la relecture de documents issus de l’Inquisition (dont on sait qu’elle a été fondée par la papauté autour de 1233, précisément pour lutter contre le catharisme). La recherche historique actuelle renvoie le catharisme à son origine chrétienne : le catharisme n’est qu’une manière médiévale de considérer le christianisme. Ce n’est pas une autre religion, issue du monde perse, qui serait par rapport au christianisme dans une position d’extériorité. Dans ce contexte, il faut donc considérer l’hérésie cathare, non pas comme le fait de manichéens orientaux s’infiltrant dans la chrétienté occidentale, mais comme la réponse de franges chrétiennes laissées pour compte par l’évolution de la papauté grégorienne. C’est le point de vue adopté notamment par l’historienne Anne Brenon dans son approche du catharisme, en quoi elle voit une revendication complètement chrétienne dans un contexte chrétien et dénoncée par le pouvoir chrétien. Anne Brenon écrit : « Il n’existe d’hérétique que dénoncé. Ignoré ou négligé, il n’est qu’un chrétien sans histoire » 16. En somme, on pourrait résumer le point de vue actuel de l’historiographie sur le catharisme de la manière suivante : les cathares sont des chrétiens que l’Église romaine, dans son offensive orthodoxe, a relégués dans l’hérésie.

Avant de développer la doctrine cathare, je dirai un petit mot de la terminologie. Aujourd’hui, nous parlons volontiers de « cathares » et cela nous semble aller de soi. C’est oublier un peu vite qu’eux-mêmes ne se qualifiaient pas ainsi (ils se considéraient comme des chrétiens) et que ce mot était connoté négativement. Tout le monde sait en effet que le terme « cathare » vient du grec katharos et signifie « pur ». Mais ce que l’on sait moins en général, c’est qu’il a été inventé en 1163 en Rhénanie — non en Languedoc — par le clerc Ecbert de Schönau 17 qui, relatant le supplice d’hérétiques sur le bûcher, a qualifié ceux-ci de « cathares », selon un jeu de mot érudit fondé sur une pseudo-étymologie mêlant le grec « pur » (par référence à la secte antique des manichéens) au latin catus (« le chat »), renvoyant aux « chatistes », des sorciers adorateurs du chat 18. Le théologien et hérésiologue Alain de Lille (mort, semble-t-il, à Cîteaux en 1203) ironise lui aussi sur l’étymologie du nom en disant qu’ils sont appelés ainsi « parce qu’ils baisent le postérieur d’un chat en qui leur apparaît Lucifer ». Or cette appellation de « cathare » ne sera guère utilisée au Moyen Âge, en tout cas presque jamais en Languedoc. C’est en fait l’ouvrage de Charles Schmidt, Histoire et doctrine de la secte des cathares ou albigeois 19, publié en 1848-1849, qui devait donner ses lettres de noblesse au mot cathare et lui assurer une diffusion durable. Dans le Midi, les cathares étaient désignés — dès le XIIe siècle — par le terme d’« albigeois » 20, car on voyait dans la ville d’Albi un centre important de l’hérésie (point de vue remis en question par les historiens modernes qui ne considèrent plus que l’Albigeois ait été le principal foyer du mouvement). « Cathares », « albigeois », ces appellations sont restées dans l’historiographie car elles sont commodes pour désigner les chrétiens « hérétiques » du Midi. Il nous faudra garder à l’esprit, dans la suite de cette étude, que ces termes sont nés dans un contexte polémique et qu’ils sont l’invention de clercs et de pouvoirs hostiles au courant qu’ils désignent.

 

1. La doctrine cathare

J’en viens à présent à la doctrine. Si celle-ci se fonde exclusivement sur l’Écriture chrétienne, elle n’en propose pas moins une interprétation tout à fait singulière. Quel est le cœur de la prédication cathare ? Le principal problème est celui du mal. Les cathares affirment en effet qu’un Dieu entièrement bon est à l’origine de toutes choses. Comment se fait-il dès lors que de ce Dieu bon soit sorti une création mauvaise (puisque l’enfer est dans notre monde) ? Et comment comprendre cette position sans créer un principe du mal, voire un Dieu du mal, c’est-à-dire en fin de compte sans être manichéen comme l’Inquisition le soutenait ? Il faut souligner que tout christianisme est fondamentalement dualiste. Mais le véritable dualisme qui se distingue fortement du dogme romain tel qu’il se développe au XIIIe siècle, c’est le dualisme de création. C’est là que les cathares sont fortement dualistes. Certes, selon eux, Dieu est le seul créateur, le Dieu bon annoncé par le Christ est l’auteur de la seule véritable création (qui est spirituelle). Mais en vertu de la parabole du bon arbre et du mauvais arbre, parabole qui figure dans l’Évangile de Matthieu (7, 17-18) et qui est essentielle dans la pensée théologique cathare, la création de Dieu, qui est bon, qui est amour, ne peut être qu’à son image, bonne et parfaite. « Un arbre mauvais produit des fruits mauvais ; un arbre bon ne peut produire des fruits mauvais, ni un arbre mauvais produire de bons fruits ». Le bon fruit du bon arbre doit être totalement bon et lumineux. Ce n’est donc pas ce bas monde matériel dans lequel le mal existe. Selon eux, la toute-bonté de Dieu primait sur sa toute-puissance. Aussi fallait-il attribuer le mal à un autre principe. « Dieu n’est pas tout-puissant ; entièrement simple, dépourvu d’accidents, il ne veut pas le mal et ne peut le faire (...). C’est pourquoi il nous faut reconnaître forcément l’existence d’un autre principe, celui du mal, qui agit pernicieusement contre le vrai Dieu et sa créature, et ce principe semble exciter Dieu contre sa créature, et la créature contre son Dieu » (Livre des deux principes) 21. Les cathares lisaient souvent de manière symbolique les Écritures bibliques et chrétiennes selon cette grille de lecture-là. Dieu est le seul créateur parce que sa création est la seule qui soit créée dans l’être et dans l’éternité. Cela signifie, pour les chrétiens cathares du XIIIe siècle, qu’il n’y a pas d’autre enfer que celui-ci. La mauvaise création, ce bas monde organisé par le mauvais principe, n’est que le temps de manifestation du mal. Si le mal pouvait se manifester dans l’éternité, il serait en quelque sorte le bien. Ce bas monde, dont Satan est le prince, n’a que le temps pour se manifester, et le temps a une fin. Un grand pas est franchi par rapport au dogme romain : il y a effectivement une différence importante entre soutenir que le diable est le prince de ce monde (ce que l’Église peut accepter car c’est un ange qui s’est révolté et a introduit le mal) et dire qu’il est le créateur de ce monde (dans le système cathare, le diable devient un mauvais principe, extérieur à Dieu). Or, dans la Genèse, il est dit que le monde a été créé par Dieu et que, en tant que tel, il est bon. C’est pourquoi sans doute, de tous les livres de la Bible, le seul que les cathares rejetaient absolument était le livre de la Genèse qui, pour eux, était une méchante fable. Cette vision des choses était très subversive par rapport au dogme romain et par rapport à la théocratie pontificale qui se fondait sur l’augustinisme politique selon lequel la papauté et l’Église étaient, sur terre, la cité de Dieu 22. Les cathares du XIIIe siècle en sont venus à nier l’enfer éternel et à prêcher que toutes les âmes — bonnes et égales entre elles car toutes créées par Dieu et enfermées dans ce bas monde — seraient sauvées.

Il faut renverser la vision traditionnelle du catharisme comme étant un pessimisme, vision qui remonte sans doute à Bossuet au XVIIe siècle. L’enfer n’est pas une menace qui se profile à l’horizon du Jugement dernier, l’enfer c’est ici et maintenant. Mais toutes les âmes seront sauvées, y compris celles des inquisiteurs, à condition de recevoir dans cette vie ou dans une autre l’imposition des mains. Donc finalement toute la bonne création doit faire retour au Créateur. C’est en réalité un optimisme fondamental. Il n’y a pas de damnation éternelle. Les cathares sont des chrétiens pour lesquels l’infinie bonté de Dieu est supérieure à sa toute-puissance. La toute-puissance de Dieu est limitée par le mal, par la matière. Mais sa bonté est infinie, elle n’a pas de limites. Il serait impensable que ce Dieu infiniment bon puisse vouer des gens à la damnation éternelle.

Les cathares font du Saint Esprit le vecteur principal du salut. Le baptême qui fait le chrétien chez les cathares, c’est le baptême par imposition des mains qui insuffle l’Esprit. L’Église catholique a minoré l’imposition des mains, qui faisait partie du baptême primitif, en le réduisant au sacrement de la confirmation (ce qui, au niveau de la piété populaire, a moins d’impact). La façon dont ils exaltent le Saint Esprit comme vecteur principal du salut les conduit à minimiser le rôle du Christ, au point d’avoir une idée très imprécise de sa nature. Ils hésitent fondamentalement entre des traditions fort anciennes : l’adoptianisme (le Christ n’est pas Dieu, c’est son fils mais le fils adoptif, c’est une créature adoptée, il n’est pas engendré par le Père comme le précise le credo) et le docétisme (déjà combattu par Irénée de Lyon au IIe siècle ; vient du mot grec dokein, « paraître », et signifie donc que Dieu ne s’est incarné qu’en apparence). Pour les cathares, la matière est chose trop impure pour que Dieu ait pu s’incarner dans un corps de chair. La preuve qu’il est un fantôme, c’est qu’il marche sur les eaux, qu’il disparaît, etc. Même du point de vue catholique, le Christ ressuscité n’a pas le même corps que le Christ de la Passion, il a un corps glorieux, un corps spirituel, immatériel. Pour les cathares, le Christ n’a pas attendu de ressusciter pour avoir un corps glorieux. Le corps apparemment matériel du Christ est une apparence, une apparition. Il est très difficile aux cathares d’expliquer la naissance de Jésus. Ils minorent fortement le rôle de Marie : en gros, pour les cathares, Marie n’a joué aucun rôle. Le Christ est passé à travers Marie comme de l’eau au travers d’un tuyau, c’est-à-dire qu’il n’a rien emprunté à la nature humaine charnelle de Marie. Ce n’est pas véritablement une Incarnation car Dieu est trop haut pour s’être incarné dans un misérable corps humain. La christologie cathare est donc différente de la christologie romaine, telle qu’elle se cristallisait, se codifiait et se dogmatisait, entre le XIe et le XIIIe siècle. Cependant, on ne peut pas leur refuser, comme on l’a parfois fait dans le passé, le qualificatif de « chrétiens » car eux-mêmes se définissaient comme chrétiens et l’ensemble de leurs réflexions théologiques est fondé dans les Écritures chrétiennes et uniquement là. Mais il est vrai que leurs conceptions de la christologie est différente de celle qui va apparaître totalement codifiée dans le catholicisme du XIIIe siècle. À cet égard, il faut rappeler que la première Église, celle des premiers siècles, a beaucoup hésité sur la nature du Christ, avant que ne soit déclaré dogmatiquement le fait que le Christ est Fils de Dieu dans le sens fort de ce terme. Le rôle du Christ selon eux n’était pas de venir apporter une rédemption aux créatures humaines en ce monde en souffrant et en mourant sur la croix. Les cathares étaient des chrétiens qui privilégiaient la toute-bonté de Dieu par rapport à sa toute-puissance (comme ils privilégiaient la Pentecôte par rapport à la Passion) et selon eux Dieu étant totalement bon, il ne pouvait utiliser des moyens mauvais pour arriver à ses fins. La souffrance est une invention diabolique, elle ne peut être rédemptrice. Un Dieu infiniment bon n’a pu envoyer son Fils au martyre. Mais il fallait bien une révélation, il fallait bien que quelqu’un vienne réveiller les âmes endormies sur la terre et leur révéler leur origine céleste : c’est le Christ qui assure ce rôle. Sans le Christ, il n’y a pas de salut possible. Comment saurions-nous sans lui que nos âmes sont d’origine céleste, que nos âmes sont parcelles de substance divine. Comment saurions-nous qu’il nous faut recevoir le Saint Esprit pour que notre esprit resté auprès de Dieu vienne enlever notre âme et la ramener auprès de Dieu à l’heure de notre mort. Donc, le Christ est essentiel mais c’est le messager : son rôle est d’éveiller les hommes (les âmes endormies) et de leur donner comme moyen de salut ce baptême de l’Esprit qu’il a conféré à ses apôtres par la Pentecôte. Bien entendu, en ce monde dont Satan est le prince, le Christ ne pouvait qu’être persécuté. Mais ce n’était pas pour être persécuté qu’il est venu (la Passion est secondaire pour les cathares).

Les cathares, je le rappelle, prétendent être l’Église véritable du Christ. Ils affirment avoir une filiation apostolique : ils sont les héritiers du Christ et des apôtres. De ce fait, ils refusent (et c’est là qu’ils sont hérétiques) toutes les adjonctions postérieures de l’institution ecclésiale au seul message du Christ, tel que le délivre le Nouveau Testament. Ils refusent tous les conciles, les Pères de l’Église, bref tout ce qui est postérieur au pur message du Nouveau Testament. Et ils s’efforcent d’appliquer ce message néo-testamentaire. C’est-à-dire refuser aussi tous les sacrements que l’Église romaine a peu à peu institués, notamment à travers l’époque carolingienne au IXe siècle et à travers la réforme grégorienne au XIe. Ils refusent le baptême dans l’eau donné aux petits enfants non doués de raison. Aussi parce qu’un sacrement donné par des mains indignes n’est pas valable (et nombre de prêtres n’étaient pas dignes au XIe siècle). Ils refusent le mariage, qui est le plus récent des sacrements (puisque c’est précisément la papauté réformatrice qui s’efforce de le promouvoir), en disant que le mariage n’est qu’un acte civil et que Dieu ne se préoccupe pas de choses aussi terrestres. Et surtout, ils refusent l’eucharistie, qui est vraiment la pierre d’angle du catholicisme, en interprétant la dernière Cène dans un sens symbolique. Ils pratiquent, à la place de l’eucharistie, une simple bénédiction du pain qu’ils partagent en mémoire de la parole de Dieu qu’il faut répandre dans le monde. À la place de tous les sacrements de l’Église romaine qu’ils estiment infondés en Écriture, ils pratiquent le seul sacrement qu’ils estiment fondé en Écriture, à savoir un baptême par l’esprit et par le feu, par l’imposition des mains : le consolamentum. Quand l’âme est jetée dans le corps matériel, l’esprit reste auprès de Dieu, au Royaume. Le baptême par imposition des mains, le consolamentum, a la signification suivante : le Saint Esprit descend en l’homme et vient chercher son âme pour la ramener au paradis auprès de Dieu.

Finalement, le message ultime du catharisme, c’est sa foi en la toute-bonté de l’homme et de Dieu. Au fond de tout homme, il y a une âme bonne qui ne demande qu’à s’éveiller. Au fond du criminel le plus endurci, il y a un ange de Dieu qui a oublié qu’il était bon et qui un jour se rappellera qu’il était bon. Tous les criminels seront sauvés, tous les hommes seront sauvés. Les chrétiens cathares soutenaient que toutes les âmes seront sauvées. Pierre Authié par exemple, vieux notaire des montagnes ariégeoises, poursuivi en tant que parfait par l’Inquisition et brûlé en 1310 devant la cathédrale Saint-Étienne de Toulouse, prêchait que toutes les âmes étaient bonnes et égales entre elles, que toutes seraient sauvées, y compris celles des inquisiteurs (parce qu’eux-mêmes ont oublié le message des Évangiles mais un jour le retrouveront).

Parmi les éléments qui ont fait le succès des cathares, figure leur pratique d’Église. Bons hommes et bonnes femmes prêchaient d’exemple. Les parfaits étaient voués à la chasteté, ils ne pouvaient absolument pas tuer, même pour se défendre. De plus, ils ne mangeaient jamais de viande, de fromage ou de lait et pratiquaient des jeûnes rigoureux. Ils étaient vus comme de bons chrétiens qui vivaient visiblement selon le modèle des apôtres. La pastorale nouvelle des ordres mendiants au XIIIe siècle a dû probablement s’en inspirer. Leurs maisons religieuses n’étaient pas comme les monastères bénédictins, cisterciens, etc. loin du monde, dans des vallées sauvages ou des forêts profondes, mais au cœur de la bourgade. C’étaient de plus des maisons ouvertes et non des couvents fermés. Les prédications cathares étaient des prédications simples, au coin de l’âtre. Cette mise en conformité de leurs paroles et de leurs actes, au nom des Évangiles qu’ils citaient, leur a valu ce grand succès. Ils étaient perçus comme appartenant à un ordre religieux, pas nécessairement antagoniste avec le christianisme du curé, mais qui apportait une assurance supplémentaire de salut. Par ailleurs, il y avait peut-être aussi le contre-exemple donné par l’Église de Rome dans la mesure où le clergé au contact direct de la population était souvent un clergé de mauvaise qualité, mal formé et dont les mœurs étaient fréquemment sujettes à caution. Mais il ne faut pas majorer cet aspect car en fait le bas clergé méridional était relativement ouvert à ce christianisme à peine dissident. C’est l’Église de Rome et de Cîteaux qui, de plus haut, a exacerbé l’antagonisme, d’où en partie la croisade.

 

2. La répression du mouvement

Apparu aux XIe-XIIe siècles, le catharisme devient une hantise pour la chrétienté à la fin du XIIe et au début du XIIIe siècle. Les cisterciens ont fortement contribué à « construire » l’hérésie méridionale, en véhiculant l’idée qu’il y avait, dans le Midi languedocien, un foyer hérétique très important. Ils ont prétendu (à tort, semble-t-il) que toute la population était concernée et qu’il fallait à tout prix éradiquer le phénomène. La première grande campagne de prédication anti-hérétique dans le Midi fut conduite, dès 1145, par saint Bernard lui-même, abbé de Clairvaux et véritable « gendarme spirituel » de la chrétienté 23. Bernard prêcha à Toulouse et à Albi ; sans succès cependant. L’ordre de Cîteaux a amplifié le phénomène cathare, faisant du Toulousain une terre d’hérésie dangereuse pour la chrétienté, contribuant de la sorte à imposer dans les esprits l’idée qu’une extermination par les armes des foyers hérétiques était nécessaire, d’où la croisade qui sera lancée contre les albigeois au XIIIe siècle.

En 1206, un prédicateur castillan d’une trentaine d’année, Dominique de Guzmán (le futur saint Dominique) prend la relève des cisterciens et essaye de convertir les hérétiques à l’aide d’un nouveau type de prédication fondé sur l’exemple d’une vie pauvre et mendiante qui contrastait avec l’éclat du clergé ordinaire et des abbés cisterciens : le prédicateur se déplace nus pieds, habillé d’une simple robe blanche, et mendie pour se nourrir. Pour être crédible en prêchant l’évangile, il faut être soi-même pauvre. Mais l’important ici, c’est la prédication devant amener au rétablissement de l’orthodoxie. Toutefois, pas plus que les cisterciens, les futurs dominicains (qui seront reconnus par la papauté en 1215) n’obtiendront de réels succès dans leur effort de reconversion des populations « hérétiques » du Midi. Par contre, ils joueront un rôle déterminant et efficace dans la poursuite judiciaire des cathares, une fois que l’institution inquisitoriale leur sera confiée, après qu’elle ait été mise en place dans les années 1230.

L’Église, ayant échoué dans sa lutte « pacifique » contre les hérétiques, va adopter une position plus ferme. D’autant plus qu’en 1208, le cistercien Pierre de Castelnau, légat du pape, est assassiné près d’Arles dans des circonstances troubles (par un écuyer du comte ?), à l’issue d’une entrevue infructueuse avec le comte de Toulouse Raimond VI, favorable aux cathares. Le pape Innocent III l’excommunie, délie ses vassaux de leurs serments de fidélité, prêche la croisade et offre les domaines du comte à qui voudrait y participer. Dans le même temps, il canonise Pierre de Castelnau.

Cette croisade, connue dans l’historiographie comme la « Croisade contre les albigeois » 24, connaîtra deux périodes : une première, féodale (1209-1224) 25, une seconde, royale (1224-1229) 26. Son importance, au plan de l’histoire générale, tient à deux éléments : premièrement, dans le domaine de l’idéologie religieuse, elle marque l’extension de la croisade en pays chrétien, croisade qui devient ainsi une lutte armée contre des hérétiques à l’intérieur de la chrétienté ; deuxièmement, dans le domaine de l’histoire nationale française, elle provoque le rattachement effectif de la France du Midi à la France du Nord, rattachement que certains passionnés d’Occitanie considèrent encore aujourd’hui comme une véritable « colonisation » et « acculturation » des pays de langue d’oc par ceux de langue d’oïl.

À partir de 1229, la lutte de l’Église contre les hérétiques dans le Midi (cathares mais également vaudois 27) prend la forme de l’Inquisition 28, organisée par le pape Grégoire IX en 1233 et confiée aux dominicains (puis également aux franciscains). Dès 1215, l’ordre des frères prêcheurs, fondé à Toulouse par saint Dominique, avait été reconnu par le quatrième concile du Latran. Il n’est pas surprenant que l’Inquisition ait été confiée à l’ordre des prêcheurs. Pour lutter contre les hérésies, il fallait avoir une solide formation intellectuelle. C’était le cas des dominicains dont les premières constitutions attribuaient aux frères une triple mission : l’étude, la prédication et le soin des âmes.

L’Inquisition est une institution codifiée par des textes. Cette institution s’est construite petit à petit, dès l’époque constantinienne avec le concile de Nicée I en 325 qui a défini des dogmes. On ne peut pas encore lui donner le nom d’« Inquisition ». C’est un système de contrôle sur les formes de pensées religieuses, et en particulier sur tout ce qui pourrait mettre en danger la religion catholique. L’Inquisition, selon le nom qu’elle porte, désigne une institution qui a été définie d’une façon précise en 1233 par la papauté (Grégoire IX) et qui institue des tribunaux d’exception. L’inquisiteur a un pouvoir délégué par le pape, il ne répond de ses actes que devant le pape. D’où l’hostilité des évêques à l’égard de tribunaux qui leur échappent. La procédure mise en place est une procédure dite inquisitoire, laquelle remplace la procédure accusatoire. Dans la procédure accusatoire, quelqu’un accuse et doit faire devant le juge la preuve de ce qu’il avance. Dans le cas de la procédure inquisitoire, on ne se contente plus de condamner les hérétiques quand ils apparaissent mais on va les chercher. Cette procédure a été en partie définie par Latran IV, en 1215, avec la procédure dite d’office, basée essentiellement sur la délation. À partir de ce soupçon d’hérésie, l’inquisiteur peut entamer un procès contre une personne. L’Église se dotait ainsi d’une institution répressive d’une redoutable efficacité contre les hérésies de toutes sortes qui mettaient à mal son pouvoir. Étendant à l’ensemble de l’Europe le pouvoir de cette juridiction d’exception nouvellement fondée, la monarchie pontificale du XIIIe siècle va mettre en place un ordre moral fortement appuyé sur le bras séculier, qui du reste assurait l’exécution des sentences de l’Inquisition. L’Inquisition en effet ne peut exister que si le roi (ou la force publique) le veut.

Après l’achèvement de la croisade contre les albigeois en 1229, et à la suite de la mise en place de l’Inquisition en 1233, les parfaits cathares entrent en clandestinité. Un dernier événement est à signaler, plus en raison de sa valeur symbolique que de son importance réelle : il s’agit du siège et de la destruction de Montségur en 1244. À partir de 1240, la forteresse de Montségur 29 abrite une importante communauté cathare de près d’un millier de personnes. En 1243, une armée de dix milles hommes, qu’accompagnent des inquisiteurs, vient mettre le siège devant le château. Montségur résiste près d’un an, du 13 mai 1243 au 14 mars 1244. Les deux cents hommes et femmes qui y étaient restés et qui refusent d’abjurer l’hérésie sont brûlés le 16 mars 1244. Cet épisode militaire local marque traditionnellement la fin de la résistance armée des cathares. Après cet événement tragique dont la légende s’empare rapidement (c’est resté le symbole de l’Occitanie meurtrie), les cathares ne vont cesser d’être systématiquement traqués par l’Inquisition. Le catharisme va s’effacer progressivement pour disparaître tout à fait au XIVe siècle (le dernier parfait cathare, Guilhem Bélibaste 30, est brûlé à Villerouge-Terménès en 1321).

 

2. Le béguinisme

Alors que personne ne se sera étonné du fait que j’aborde le catharisme dans une étude sur les dissidences religieuses médiévales, il paraîtra peut-être plus étrange à certains (peu au fait de l’hérésiologie médiévale) que j’envisage également ici le cas du mouvement béguinal. En effet, lorsque l’on songe aux calmes béguinages des Flandres (Bruges, Louvain, Gand, Courtrai, Diest... ), on a du mal à imaginer que ce courant religieux ait pu être l’objet, à ces débuts, d’une forte suspicion de la part de l’autorité ecclésiale, d’où d’ailleurs une sévère répression de ses aspects les plus spirituellement et théologiquement audacieux.

Quand ce mouvement est-il apparu et s’est-il développé ? On peut estimer que le phénomène béguinal va de la fin du XIIe siècle au début du XIVe pour sa dimension hétérodoxe, et jusqu’à nos jours dans sa version orthodoxe (canalisée par l’Église). Le courant a pris essentiellement racine dans les Flandres, en Rhénanie et dans le Nord de la France.

Comme pour les cathares, ce sont surtout les sources inquisitoriales qui nous permettent de connaître les aspects jugés déviants de ce mouvement. On dispose cependant de quelques sources béguinales : en effet, un certain nombre de béguines ont rédigé, en langue vernaculaire, des écrits d’une grande hardiesse théologique 31. C’est le cas notamment de Mechtilde de Magdebourg qui écrivit en allemand, Hadewijch d’Anvers, en flamand, et Marguerite Porète, en français. Écrivant en vernaculaire et non en latin, ces béguines diffusaient parmi les fidèles des subtilités théologiques qui étaient jusqu’à ce moment-là le domaine réservé des clercs. Dans ces œuvres s’exprime ce que certains historiens de la mystique appellent la théologie vernaculaire. Un grand nombre de ces béguines — telle Marguerite Porète morte tragiquement sur le bûcher —, ont eu maille à partir avec l’autorité ecclésiale.

Avant de dire qui étaient les acteurs du courant béguinal et quelle était leur doctrine, je voudrais commencer — comme pour les cathares — par une petite remarque étymologique, en soulignant la connotation négative dont est chargée, dès l’origine, le mot « béguin ». Le terme apparaît avec certitude à la fin du XIIe siècle dans un passage du cistercien allemand Césaire d’Heisterbach. Toutefois, son étymologie est controversée. Différentes interprétations ont été proposées. Joseph Van Mierlo a suggéré un rapprochement entre albigeois et béguin (al-bigensis), ce qui nous donnerait une raison supplémentaire d’évoquer le mouvement béguinal après celui des cathares. Béguin pourrait encore venir, comme le propose Alcantara Mens, du français beige, ou bien, selon d’autres, du vieil allemand beggen (« prier, mendier »). Certaines propositions sont fantaisistes, comme celle qui prétend que « béguin » proviendrait de sainte Begge, fille de Pépin de Landen (VIIe siècle) ou cette autre qui propose une dérivation à partir du nom d’un prêtre liégeois, Lambert « li Beges » (mort en 1177).

Ce que les historiens regroupent sous la catégorie de mouvement béguinal 32 couvre un ensemble d’expériences et de formes de vie religieuses d’une très grande diversité, dont l’élément unificateur est le caractère laïc de ce courant spirituel. Il s’agit essentiellement d’un mouvement de femmes, même si certains hommes — les béguins et les bégards — pratiquèrent également ce type de vie religieuse basée sur une recherche personnelle de la perfection dans le domaine spirituel. S’inspirant des principes de pauvreté et de charité des ordres mendiants nouvellement apparus, le béguinisme va connaître un grand développement au XIIIe siècle. On assiste alors à un « afflux océanique » de vocations féminines 33. Il y a à cela plusieurs raisons. Tout d’abord, semble-t-il, une augmentation du nombre des femmes entraînant un déséquilibre démographique. Les femmes des classes supérieures, célibataires ou veuves, n’avaient pas le recours d’assurer leur subsistance par l’exercice d’un métier. Ces femmes qui, pour des raisons tout à la fois sociales et religieuses, voulaient se retirer, ne pouvaient plus entrer dans les monastères, les ordres religieux n’ayant pas ouvert de nouveaux couvents féminins en nombre suffisant. Comme elles ne trouvaient pas de place au sein des institutions traditionnelles, le béguinisme leur apportait une solution. Le milieu urbain fut particulièrement favorable au développement des expériences béguinales. Certaines béguines vivaient seules, menant une vie itinérante ; d’autres en communautés, dans des béguinages à l’intérieur des villes. Sortes de villages au milieu des cités, les béguinages étaient constitués d’un ensemble de maisons ou couvents, pourvus de bâtiments communs comme la chapelle et l’hôpital. Au XIIIe siècle, les communautés béguinales se comptent par dizaines dans de nombreuses villes d’Europe du Nord. Le phénomène est difficile à quantifier car, contrairement aux communautés monastiques traditionnelles, les communautés béguines ne laissèrent presque pas de documents. On estime cependant le nombre des béguines à au moins quatre cents à Bâle, à près d’un millier à Strasbourg et un peu plus à Cologne. Les béguines ne prononçaient pas de vœux monastiques. Elles n’avaient donc pas un statut de religieuses au sens strict. Mais du fait qu’elles se consacraient à une vie de pénitence et de contemplation, elles étaient considérées comme des femmes religieuses (mulieres religiosae). Beaucoup d’historiens qualifient aujourd’hui de « semi-religieuse » la forme de vie de ces pieuses laïques. Ces semi-religieuses entraient au service de Dieu sans renoncer à leur état laïc, elles ne suivaient donc pas une règle approuvée par la hiérarchie ecclésiastique. Ce statut mixte n’était pas du goût de tout le monde, en particulier du clergé traditionnel, car il remettait implicitement en question la distinction, réaffirmée par la Réforme grégorienne, des laïcs et des clercs. En outre, le peuple des fidèles, ne sachant où les situer, les accusait d’hypocrisie. Les béguines vivaient d’aumônes comme les frères mendiants, mais aussi du travail manuel. Pour la plupart nobles ou issues de la bourgeoisie (en tout cas au début du mouvement), ces béguines étaient souvent fort cultivées. Elles lisaient, commentaient et traduisaient des textes sacrés.

 

1. La doctrine béguinale

Comme pour les cathares, il nous faudra recourir essentiellement aux sources inquisitoriales afin de connaître les idées hétérodoxes de la dissidence béguinale. La principale critique portée par l’Église contre le mouvement béguinal était sa collusion avec la « secte » du Libre Esprit, laquelle professait des idées à forte saveur panthéiste. Le mouvement du Libre Esprit semble effectivement condenser les aspects hérétiques de la théologie vernaculaire des béguines. Il était reproché aux béguines de trop insister sur la déification de l’âme ayant atteint l’état de perfection et donc de nier la différence entre l’homme et Dieu 34. La secte des « frères et sœurs du Libre Esprit » reste difficile à cerner malgré les travaux très complets de Romana Guarnieri, Robert E. Lerner et, plus récemment, de Raoul Vaneigem qui y découvrait comme un souffle soixante-huitard en plein Moyen Âge 35. Certains historiens — dont Lerner et Vauchez — ont même douté de sa réalité objective, y voyant un cas d’hérésie « inquisitoriale » 36, c’est-à-dire créée de toutes pièces par l’Inquisition dans son effort de classification des déviations dogmatiques. Autrement dit, le Libre Esprit serait une vue de l’esprit. Guarnieri et Vaneigem, de même que Grundmann et Cohn avant eux, sont d’avis qu’il a bien existé des communautés ou fraternités au sens large, ayant pu avoir des contacts entre elles. Voici ce qu’écrit Romana Guarnieri : « Ils appelaient leurs conventicules des paradisi : ils s’y flagellaient, entraient en extase et probablement vivaient dans la promiscuité. Ils se recrutaient aussi bien parmi les aristocrates des villes, les gros marchands, les clercs et les apostats, que parmi les campagnards illettrés et frustes » 37. Dans tous les cas, qu’il se soit agi d’une secte bien organisée comme le pensait l’Église ou seulement de croyances déviantes partagées par des hommes et des femmes poursuivant une recherche religieuse personnelle, on s’accorde généralement à faire remonter les prémices du Libre Esprit aux disciples d’Amaury de Bène (mort en 1207), un clerc qui enseignait la philosophie et la théologie à Paris. Les amauriciens soutenaient des doctrines panthéistes proches des conceptions philosophiques de David de Dinant, maître ès arts qui enseignait à Paris au début du XIIIe siècle et dont l’œuvre — les Quaternali — a été vouée à la destruction par le feu au synode de Paris de 1210. Les disciples supposés d’Amaury furent condamnés en 1209 et 1211. Cependant, les premiers témoignages écrits se rapportant directement à la liberté de l’esprit (spiritus libertatis) datent de la fin du XIIIe siècle. Le premier d’entre eux est la Determinatio de novo spiritu d’Albert le Grand qui examine 97 propositions hérétiques (pélagiennes et manichéennes selon lui) introduites à Ries, dans le diocèse d’Augsbourg, dans les années 1270-1273 par deux hommes, Arnold et Tietmar. La secte du « Libre Esprit » est mentionnée comme telle pour la première fois dans un bref pontifical de 1311. La compilation albertinienne à propos de l’hérésie de Ries et les documents inquisitoriaux en particulier 38 permettent d’approcher les thèses du Libre Esprit. Par ailleurs, Romana Guarnieri a montré que le Mirouer des simples ames de Marguerite Porète devait être considérée comme un manifeste du Libre Esprit. À ce titre, il représente une des sources principales pour la connaissance des doctrines de ce mouvement 39.

On doit à Romana Guarnieri d’avoir, dès 1946 40, identifié en Marguerite Porète, l’auteur du Miroir, qui auparavant passait pour l’œuvre de la bienheureuse Marguerite de Hongrie. Selon Guarnieri, le Miroir est une sorte de manifeste des thèses mystiques du Libre Esprit. Il s’agit d’un texte en moyen-français dont le titre complet est le suivant : Le Mirouer des simples ames anienties et qui seulement demourent en vouloir et desir d’amour. Il s’agit d’une œuvre majeure de la mystique occidentale, très proche de la sensibilité théologique d’un Maître Eckhart. Y sont abordés les thèmes du renoncement à l’identité propre, de l’anéantissement de l’esprit dans la divinité, de l’union entre l’homme et le Dieu inconnaissable. C’est un dialogue d’inspiration courtoise entre des personnages symboliques : Âme, Dame Amour, Raison... Ce texte dialogué n’est pas sans rappeler les dialogues platoniciens, quoique la construction en soit beaucoup moins rigoureuse. Le livre est bâti comme un roman de chevalerie : c’est l’histoire d’une quête, la quête de « fine amour ». L’Âme est sommée par la Raison de s’expliquer sur la fusion d’Amour qu’elle a vécue. Le propos central de l’ouvrage est bien exprimé par le titre du douzième chapitre : Le vray entendement de ce que ce livre a dit que l’Ame Adnientie n’a point de voulenté. L’âme unie à Dieu est anéantie au point de perdre toute volonté propre, elle est annihilée en Dieu. L’âme dans cet état de non vouloir (nient vouloir) est totalement déifiée : Ceste ame est Dieu par condicion d’amour. L’âme divinisée, l’âme ainsi touchée par la grâce est sans péché. Le principal grief des inquisiteurs contre Marguerite était l’abandon des vertus, le congé donné aux vertus par l’âme déifiée. L’âme divinisée doit renoncer aux vertus et aux œuvres, une sorte de quiétisme avant la lettre pour lequel les œuvres sont inutiles : « il faut se sauver de foi sans œuvres », écrit-elle. De plus, cette indifférence aux pratiques extérieures de la foi s’enracine, dans le Miroir, sur l’opposition entre « Sainte Église la grande » (Saincte Esglise la grant), gouvernée par l’Amour, et « Sainte Église la petite », l’Église des vertus et des rites, gouvernée par la Raison ; la première est celle des parfaits, la seconde, celle des fidèles, des grossi, des asnes très asnes. Il y a là une sorte de rejet « individualiste » du conformisme religieux. D’autre part, le fait que le livre ait été écrit en vulgaire et non en latin lui permettait de toucher un public plus simple, ce qui était perçu comme un danger supplémentaire par l’Église. Si Marguerite Porète ne s’était pas exprimée en langue vernaculaire, elle n’aurait sans doute pas été condamnée.

L’idée centrale du Libre Esprit est la déification ou divinisation du chrétien. Le fondement d’une telle doctrine est panthéiste : Dieu est tout ce qui existe et l’homme peut devenir Dieu par nature. Le Libre Esprit affirme la possibilité d’une union avec Dieu dès que l’homme se rend libre pour Lui. C’est là le sens exact de cette liberté de l’esprit qui n’a rien à voir avec la figure du libre penseur, de l’esprit fort à la manière voltairienne. Rendre libre son esprit, c’est le rendre vide, vacant pour recevoir Dieu. Celui dont l’esprit s’est anéanti peut alors déclarer : « je suis devenu Dieu ». Dans les communautés ou fraternités du Libre Esprit, la distinction était nette entre les différents degrés d’avancement spirituel : incipientes, proficientes et perfecti. Ceux qui avaient atteint cet état de perfection — les perfecti ou parfaits déifiés — étaient objets d’adoration. Ils se disaient rois et reines et s’habillaient luxueusement. La médiation du clergé, les sacrements et le culte des saints leur apparaissaient superflus ; les œuvres et les vertus, inutiles. Les hommes parfaits n’auraient donc plus été soumis à la morale commune, en particulier dans le domaine sexuel. Le passage de l’union spirituelle à l’union charnelle n’aurait pas entraîné de péché. Le Libre Esprit pouvait mener au « libertinage ». Tout appartenant à tous, le vol leur était permis. Cependant, il faut se méfier de ces accusations d’« anomisme » et de dérèglements moraux, même lorsqu’elles ont été confirmées par des accusés lors d’interrogatoires, car elles étaient en quelque sorte inséparables de l’hérésie, la déviation en matière de foi s’accompagnant nécessairement aux yeux des inquisiteurs des plus graves ignominies dans le domaine des mœurs 41. Il faut se rappeler que c’est essentiellement au travers des documents inquisitoriaux que l’on connaît les thèses du Libre Esprit. Tout ce que l’on en dit est donc fort dépendant du point de vue du censeur. On peut d’ailleurs se demander dans quelle mesure les inquisiteurs n’ont pas accentué les aspects hérétiques de ces doctrines, lesquelles tâchaient d’exprimer en une langue forcément plus floue et plus ambiguë que le latin des théologiens de l’époque les grandes intuitions de la mystique.

 

2. La répression du mouvement

L’indépendance du mouvement béguinal par rapport à la hiérarchie ecclésiastique devait nécessairement susciter la méfiance et l’hostilité de l’Église aux XIIIe et XIVe siècles 42. Deux types d’attitudes furent adoptées : le rejet et l’intégration. Le rejet des béguines hétérodoxes, considérées comme hérétiques ; l’intégration des béguines orthodoxes, contraintes d’adopter la règle de saint Augustin ou de fusionner avec les tiers ordres 43. L’attitude de rejet à l’égard du mouvement béguinal, considéré comme hérétique, s’est surtout développée au début du XIVe siècle. Le 1er juin 1310, Marguerite Porète est brûlée à Paris en place de Grève, dans la France de Philippe le Bel, avec son livre Le Mirouer des simples ames. En 1311-1312, le concile de Vienne (en France) condamne l’hérésie des bégards et béguines. Le pape Clément V (1305-1314) reprend les principaux chefs d’accusation dans les décrets Ad nostrum et Cum de quibusdam mulieribus. Ces derniers, compilés en 1313 dans les Clémentines, seront publiés après sa mort, en 1317. Cette même année, les canons du concile de Vienne sont promulgués par Jean XXII, ce qui déclenche une persécution générale du bégardisme, en particulier dans la région rhénane où l’archevêque de Cologne, Henri de Virnebourg, poursuit déjà ce courant déviant depuis 1306. Il fera brûler ou noyer dans le Rhin un grand nombre de bégards et de béguines. Toutefois, en 1319, le pape précise que les béguines orthodoxes ne devaient pas faire l’objet de poursuites. C’est ainsi que le mouvement béguinal, dans sa forme autorisée, se maintiendra au-delà du XIVe siècle, mais uniquement dans le Nord (pensons aux grands béguinages des Flandres et des Pays-Bas).

Je voudrais, pour terminer, détailler un peu plus le cas du procès de Marguerite Porète 44, la plus célèbre de ces béguines hétérodoxes. Née vers 1250, elle était originaire du Hainaut, de Valenciennes exactement. Tout ce que l’on sait de la vie de Marguerite provient pour l’essentiel des documents inquisitoriaux. Dès avant 1306, son livre fut brûlé une première fois, à Valenciennes en pleine place publique, sur ordre de l’évêque de Cambrai Gui II, et sa lecture en fut prohibée sous peine d’excommunication. Gui II interdit à Marguerite de diffuser de nouveau ses écrits à moins d’être jugée hérétique et relapse. Ne tenant pas compte de son avertissement, elle récidiva, toujours avec le Miroir des âmes simples et anéanties, son unique et magistral ouvrage. Elle fut ensuite poursuivie par le successeur de Gui, Philippe de Marigny, puis par une instance inquisitoriale plus haute, à savoir l’inquisiteur provincial de Haute Lorraine. Dénoncée, elle est arrêtée, questionnée et, enfin, condamnée. Pourtant, Marguerite avait cherché à se protéger et à prévenir une condamnation. Ainsi, dans l’introduction de quelques-uns des manuscrits, on trouve avant le texte une approbation écrite par trois clercs : d’une part, le célèbre théologien Godefroid de Fontaines, ex-régent de l’Université de Paris, qui fait un grand éloge du livre — même s’il pense qu’il ne peut être mis entre toutes les mains car il pourrait procurer aux lecteurs des illusions sur leur propre perfection —, et, d’autre part, un cistercien appelé Franc, de l’abbaye de Villers en Brabant, et un franciscain du nom de Jean. Mais rien n’y fit. Marguerite comparait devant l’inquisiteur général du royaume, le dominicain — et par ailleurs confesseur du roi Philippe — Guillaume de Paris, qui s’occupe également du procès intenté aux Templiers à partir de 1307. On connaît la fin du procès contre Marguerite Porète, qui aura passé un an et demi en prison (laps de temps légal laissé aux accusés pour leur permettre de réfléchir et, le cas échéant, de se rétracter) : l’inquisition la condamnera à être livrée au bras séculier afin d’être brûlée sur le bûcher en 1310 45.

 

Conclusion

La thèse qui sous-tend mon étude est la suivante : pour qu’un courant hétérodoxe soit reconnu et dénoncé comme hérétique, il faut qu’un pouvoir le désigne comme tel. Dans l’Europe médiévale, l’Église — appuyée sur le bras séculier — a été ce pouvoir de discrimination entre l’orthodoxie et l’hérésie : c’est elle qui a, en quelque manière, « inventé » l’hérésie. En guise de conclusion, je citerai un passage du grand livre de Robert I. Moore : « l’hérésie n’existe que dans la mesure où l’autorité décide de déclarer qu’elle existe. Les hérétiques sont ceux qui refusent de souscrire aux doctrines et de reconnaître la discipline qu’exige l’Église : pas d’exigence, pas d’hérésie. L’hérésie (...) ne peut naître que dans le contexte d’une affirmation d’autorité à laquelle l’hérétique résiste : elle est donc par définition une affaire politique » 46.

Benoît BEYER de RYKE
Historien et philosophe — FNRS / ULB

 


 

Notes

1 R. I. MOORE, La persécution, sa formation en Europe, Xe-XIIIe siècles, Paris, Les Belles Lettres, 1991 ; rééd., Paris, Les Belles Lettres 1997 (« 10/18 ») [éd. angl. The Formation of a Persecuting Society : Power and Deviance in Western Europe 950-1250, 1987] ; Id., « À la naissance d’une société persécutrice : les clercs, les cathares et la formation de l’Europe », dans R. I. MOORE, dir., La persécution du catharisme, XIIe-XIVe siècle, Actes de la 6e Session du Centre d’études cathares René Nelli, Carcassonne, Centre d’études cathares, 1996 (« Heresis »), p. 11-37.

2 Je note toutefois au passage que le chef d’accusation n’était pas l’hérésie, mais la sorcellerie.

3 Je renvoie à la contribution (dans le présent ouvrage) de N. BOGAERTS, « La répression du paganisme et de l’arianisme dans les conciles occidentaux des IVe-VIIe siècles ».

4 C’est, à ma connaissance, le premier bûcher du Moyen Âge.

5 M. ZERNER, dir., Inventer l’hérésie ? Discours polémiques et pouvoirs avant l’Inquisition, Nice, Z’Editions, 1998 (« Collection du Centre d’études médiévales de Nice », 2). Cet ouvrage est basé sur l’hypothèse que « les discours anti-hérétiques sont construits pour défendre la progression de l’institution ecclésiale ». Voir également, Ead., « Hérésie », dans J. LE GOFF et J.-Cl. SCHMITT, dir., Dictionnaire raisonné de l’Occident médiéval, Paris, Fayard, 1999, p. 464-482.

6 Je reviendrai plus loin sur les travaux d’A. BRENON, lesquels portent sur le catharisme.

7 D. IOGNA-PRAT, Ordonner et exclure. Cluny et la société chrétienne face à l’hérésie, au judaïsme et à l’islam, 1100-1150, Paris, Aubier, 1998 (« Collection historique »). L’ouvrage montre comment la société chrétienne de persécution — que Cluny a contribué à mettre en place — rejette trois figures de l’Autre : l’autre intérieur (l’hérétique), l’autre mi-intérieur mi-extérieur (le juif), et l’autre extérieur (le musulman). Ainsi (et contrairement à la légende dorée relative à l’abbé de Cluny), l’ordonnancement du discours chrétien par Pierre le Vénérable a-t-il produit de l’exclusion.

8 Il ne s’agit pas, bien sûr, d’une invention de toute pièce. Le point de vue n’est pas à ce point constructiviste. Les croyances hétérodoxes et la divergence des opinions ont existé de tout temps, mais elles ne sont jugées hérétiques que si un pouvoir les dénonce comme telles.

9 Il existe sur le catharisme un nombre considérable de livres et d’articles de toutes sortes, dont beaucoup sont malheureusement farfelus. Outre un excellent petit livre récent qui fait fort bien le point sur les recherches concernant le catharisme et, plus généralement, sur les croyances et pratiques religieuses du Languedoc médiéval — J. BERLIOZ, dir., Le Pays cathare. Les religions médiévales et leurs expressions méridionales, Paris, éditions du Seuil, 2000 (« Points Histoire », 279) —, je mentionnerai essentiellement ici les études sérieuses et novatrices d’A. BRENON, dont le mérite est de s’être efforcée — comme directrice, de 1982 à 1998, du Centre d’études cathares René Nelli à Carcassonne, et comme secrétaire de rédaction de la revue internationale d’hérésiologie médiévale Heresis — de nous ramener aux textes mêmes des cathares de manière à nous faire entrer dans l’authenticité de leur message qui était de vouloir fonder un christianisme de l’Esprit, s’appuyant sur la Pentecôte, et d’organiser un retour à la prédication évangélique. Parmi les travaux d’A. BRENON, je citerai : Le vrai visage du catharisme, Portet-sur-Garonne, Loubatières, 1989 ; Les femmes cathares, Paris, Perrin, 1992 ; Les cathares, vie et mort d’une Église chrétienne, Paris, J. Grancher, 1996 ; Les cathares, pauvres du Christ ou apôtres de Satan ?, Paris, Gallimard, 1997 (« Découvertes », 319) ; Les archipels cathares, dissidence chrétienne dans l’Europe médiévale, Cahors, Dire éditions, 2000 ; Le dico des cathares, Toulouse, Milan, 2000. Je signalerai encore : de R. NELLI (le chantre de l’Occitanie — à la fois poète et érudit — mort en 1982), La philosophie du catharisme, Le dualisme radical du XIIIe siècle, Paris, Payot, 1975, rééd. Toulouse, Privat, 1988 ; de M. ROQUEBERT (grand historien du catharisme, en quoi il voit la résurgence de la gnose chrétienne des premiers siècles), L’épopée cathare, en 6 tomes : 4 tomes, Toulouse, Privat, 1971-1989, 2 tomes, Paris, Perrin, 1998, rééd. en 2 vol., Paris/Toulouse, Perrin/Privat, 2001 ; de J. DUVERNOY, Le catharisme, en 2 tomes (t. 1, La religion des cathares ; t. 2, L’histoire des cathares), Toulouse, Privat, 1976 et 1979, rééd. ; et le classique d’E. LE ROY LADURIE, Montaillou, village occitan, de 1294 à 1324, Paris, Gallimard, 1979, dans lequel il exploite le registre d’Inquisition (1318-1325) de Jacques Fournier — à Pamiers —, le futur pape Benoît XII. Voir aussi, de Ch. THOUZELLIER, Catharisme et valdéisme en Languedoc à la fin XIIe et au début du XIIIe siècle, politique pontificale et controverses, Paris, PUF, 1966 (« Publications de la Faculté des lettres et sciences humaines de Paris, Série Recherches », 27), réimpr. Marseille, Laffitte Reprints, 1982 ; Ead., Hérésie et hérétiques : vaudois, cathares, patarins, albigeois, Rome, Edizioni di Storia e letteratura, 1969 (« Storia e letteratura, Raccolta de Studi e Testi », 116). Et plus récemment, M. ZERNER, dir., L’histoire du catharisme en question : le « concile » de Saint-Félix, 1167, Nice, Z’Editions, 2001 (« Collection du Centre d’études médiévales de Nice », 3) [vers 1170 (la date traditionnelle de 1167 n’est plus aujourd’hui acceptée unanimement) se serait tenu au château de Saint-Félix-de-Caraman, près de Toulouse en Lauragais, un concile cathare présidé par l’évêque bogomile de Constantinople Nicétas (Niquinta), dont le but était l’organisation des diocèses cathares. Certains historiens contemporains — dont la plupart de ceux qui ont participé à ce livre — mettent en doute la tenue de ce concile, ou du moins des actes qui en rendent compte. Ceux-ci ont été publiés au XVIIe siècle d’après une copie de 1232 (dont l’authenticité fut contestée), et examinés attentivement par André Dondaine en 1946, qui les a jugés confirmés par d’autres sources. Voir J. BERLIOZ, « Le concile cathare de Saint-Félix a-t-il eu lieu ? », L’Histoire, 231 (1999) 19-20]. Je me permets également de citer une étude que j’ai écrite sur le catharisme (et dont certains éléments sont repris ici) : B. BEYER de RYKE, « Le défi cathare, une hérésie dualiste en plein Moyen Âge ? », Villers, 21 (2002) p. 36-49.

10 N. PEYRAT, Histoire des albigeois, Les Albigeois et l’Inquisition, 3 vol., Paris, Lacroix-Verboeckhoven, 1870-1872 ; rééd., Nîmes, Lacour, 1996.

11 Voir Y. HAGMAN, « Les historiens des religions et les constructions des ésotéristes », dans Le Catharisme : l’édifice imaginaire, Actes de la 7e Session du Centre d’études cathares René Nelli, Carcassonne, Centre d’études cathares, 1998 (« Heresis »), p. 131-143.

12 P. JIMENEZ SANCHEZ, « La vision médiévale du catharisme chez les historiens des années 1950 : un néo-manichéisme », dans Le catharisme : l’édifice imaginaire, ibid., p. 65-96 ; et aussi, A. BRENON, « Le catharisme méridional : questions et problèmes », Le Pays cathare, op. cit., p. 81-100.

13 « Secte » que les empereurs byzantins ont en vain essayé d’exterminer au IXe siècle. Les pauliciens se disaient chrétiens mais leur doctrine ressemblait à celle des manichéens. Ils opposaient le Dieu bon qui créa le ciel et les anges au Dieu du mal, créateur du monde matériel visible.

14 Le mouvement bogomile (du nom de son fondateur le prêtre Bogomil, qui en bulgare signifie l’« ami de Dieu ») est un mouvement hérétique dualiste qui a pris naissance au Xe siècle en Bulgarie et s’est propagé dans les pays balkaniques, puis dans l’Empire byzantin, au XIIe siècle. La doctrine du bogomilisme est fondée sur un système manichéen qui oppose la lumière et les ténèbres, c’est-à-dire le Bien et le Mal. Les bogomiles puisent leurs préceptes dans l’Évangile mais refusent l’Ancien Testament. Pour eux, la création — mauvaise par essence — ne saurait être l’œuvre du Dieu bon, mais d’un Dieu obscur. Ils s’opposaient à l’Église officielle et rejetaient un certain nombre de ses doctrines, en particulier les trois sacrements du baptême, de l’eucharistie et du mariage, ainsi que la vénération des images, spécialement de la croix, et le temple comme lieu sacré. Au XIIe siècle, des missionnaires bogomiles venus de l’Empire byzantin où la secte était persécutée, ont gagné la Lombardie, et de là l’Europe occidentale. Le mouvement passe souvent pour avoir été à l’origine du développement du catharisme en France et en Italie aux XIIe et XIIIe siècles. Ce n’est pas le point de vue que je privilégie dans cette étude, même s’il faut reconnaître d’évidentes similitudes structurelles entre le bogomilisme et le catharisme.

15 Au total, deux traités et trois rituels cathares : le Traité anonyme latin, le Livre des deux principes —abrégé d’un écrit de Jean de Lugio —, le Rituel occitan de Lyon, le Rituel latin, et le Rituel occitan. L’ensemble de ces textes est repris dans R. NELLI, Ecritures cathares, nouvelle édition actualisée et augmentée par A. BRENON, Monaco, éditions du Rocher, 1995. Pour le Livre des deux principes, édition par le Père A. DONDAINE, dans Un traité néomanichéen du XIIIe siècle, le « Liber de duobus principiis », suivi d’un fragment de rituel cathare, Rome, 1939 ; et nouvelle édition par Ch. THOUZELLIER, Livre des deux principes, Paris, Cerf, 1973 (Sources chrétiennes, 197).

16 A. BRENON, « Le catharisme méridional... », Le Pays cathare, op. cit., p. 84.

17 Chanoine de Bonn puis abbé de l’abbaye double de Schönau, Ecbert était le frère d’Elisabeth de Schönau et un proche de l’abbesse Hildegarde de Bingen.

18 On sait que celui-ci n’était pas en odeur de sainteté au Moyen Âge. Voir la belle étude de L. BOBIS, Le chat, histoires et légendes, Paris, Fayard, 2000.

19 Paris/Genève, 1848-1849, réimpr. Paris, éditions Jean de Bonnot, 1996. Sur Charles Schmidt par rapport aux cathares, voir M. JAS, « L’orthodoxie protestante, le rêve albigeois, Schmidt et Peyrat », dans Le catharisme : l’édifice imaginaire, op. cit.

20 D’après A. BORST [Die Katharer, Stuttgart, Hiersemann, 1953 (« Schriften der Monumenta Germaniae Historica », 12), réimpr. Freiburg, Herder, 1995 ; trad. fr. Les cathares, Paris, Payot, 1974] la première mention connue d’« albigeois » pour désigner des hérétiques figure dans le quatrième canon du concile de Tours de 1163. Cette date coïncidant avec la première mention du mot « cathare » par Ecbert de Schönau, il pourrait s’agir d’une reconstruction a posteriori. Voir J.-L. BIGET, « Les « albigeois » : remarques sur une dénomination », dans Inventer l’hérésie ?, op.cit., p. 219-255 [225-226].

21 Livre des deux principes, édition et traduction par Ch. THOUZELLIER, Paris, Cerf, 1973 (« Sources chrétiennes », 198), p. 191.

22 Voir B. BEYER de RYKE, « L’apport augustinien : Augustin et l’augustinisme politique », dans A. RENAUT, dir., Histoire de la philosophie politique, t. II, Naissances de la Modernité, Paris, Calmann-Lévy, 1999, p. 43-86.

23 Selon une expression de J.-L. BIGET, « Les « albigeois »... », op. cit., p. 229-230.

24 En octobre 2002, le Centre d’Études Cathares de Carcassonne a organisé un colloque sur le thème de « La croisade albigeoise », sous la présidence de M. ROQUEBERT. Ont participé notamment à ce colloque : M. AURELL, R. I. MOORE, Ph. CONTAMINE, M. ZERNER, P. JIMENEZ, J.-L. BIGET,... Les volets abordés ont été : 1° Les sources pour l’étude de la croisade albigeoise ; 2° Les causes et les évènements de la croisade ; 3° Les acteurs de la croisade ; 4° Les conséquences de la croisade.

25 Je rappellerai, en ce qui concerne cette première croisade féodale, le rôle central de Simon de Montfort, petit noble d’Île-de-France qui s’est placé à la tête des croisés. Les pillages et les massacres n’ont pas manqué dans cette expédition : à Béziers, la population est passée au fil de l’épée (« Tuez-les tous, Dieu reconnaîtra les siens ! », aurait dit le légat pontifical et abbé de Cîteaux, Arnaud Amaury), à Lavaur, les défenseurs sont pendus, à Bram, on crève les yeux et on coupe les nez aux hommes du lieu.

26 En 1226, le roi Louis VIII prend personnellement la tête d’une croisade qui aboutira (après sa mort) à l’annexion définitive du Midi au domaine royal capétien.

27 À la même époque que les cathares, se développe un autre mouvement apostolique, celui des vaudois ou « pauvres de Lyon », qui pratiquent eux aussi une spiritualité différente de celle de l’Église de Rome. Il s’agissait de pieux laïcs qui voulaient mener une vie pauvre et dévouée à Dieu. Leur nom dérive de celui de leur fondateur, Pierre Valdès ou Vaudès, un riche marchand lyonnais qui entreprit de suivre à la lettre l’Évangile et de vivre dans la pauvreté comme le Christ. Vers 1175, il vendit tous ses biens au profit des pauvres, abandonna sa femme et ses deux filles, et se mit à vivre d’aumônes, entraînant de nombreux pieux laïcs (et quelques clercs) avec lui. Il mène avec ses compagnons une existence itinérante, sans logis, mendiant sa subsistance. Les vaudois sont vite suspects aux yeux de l’Église, car ils comptent dans leurs rangs une majorité de laïcs et également des femmes. De plus, ils traduisent la Bible en langue vulgaire et prétendent comprendre l’Évangile et pouvoir prêcher la bonne parole sans devoir passer par l’Église. Celle-ci les condamne comme hérétiques en 1184. Mais ils s’implantent fortement dans la vallée du Rhône et dans le Languedoc. Fait original, la prédication des vaudois ayant été jugée — par l’Église — utile contre les cathares à l’égard desquels ils ont toujours marqué de l’hostilité, ils furent tolérés en Languedoc jusque vers 1230, après quoi ils ont été poursuivis comme hérétiques. Il subsiste aujourd’hui quelques communautés vaudoises en Suisse, en Italie, et même aux États-Unis et en Amérique du Sud.

28 L. ALBARET, L’Inquisition, rempart de la foi ?, Paris, Gallimard, 1998 (« Découvertes », 366) [présentation rapide et claire de l’Inquisition, par un historien qui prépare une thèse sur le sujet, sous la direction de J. CHIFFOLEAU].

29 C’est sans doute l’occasion de rappeler que les fameux « châteaux cathares » n’ont rien de cathares. Certes les cathares ont pu s’y réfugier, mais ils n’ont pas été construits par les cathares. C’est là un des autres aspects du mythe cathare. En ce qui concerne Montségur, il s’agit d’une forteresse qui a été bâtie en 1205 sur un piton rocheux, à plus de mille mètres d’altitude, dans le sauvage comté de Foix.

30 On pourra lire une biographie romancée de ce personnage sous la plume d’H. GOUGAUD, Bélibaste, Paris, Seuil, 1982.

31 Avec les béguines s’est écrit le premier chapitre de la mystique rhéno-flamande. On retrouve chez elles ce souffle de la théologie négative dionysienne qui marque l’un des plus hauts sommets de la théologie chrétienne. En tant que femmes dans un Moyen Âge dominé par les hommes, ce « mâle Moyen Âge » dont parlait Georges Duby, elles ont également exercé un pouvoir — certes spirituel, mais un pouvoir cependant — peu commun pour les personnes de leur sexe. C’est sans doute la raison pour laquelle on trouve tant d’études féministes dans l’historiographie sur les béguines. Ainsi ces femmes spirituelles sont-elles intéressantes à plus d’un titre. Comme femmes, elles se sont affirmées dans l’un des champs sociaux qui étaient à leur disposition au cours de la période médiévale, celui de l’intériorité religieuse. Comme mystiques, elles ont élaboré de hautes pensées spirituelles, dans la droite ligne de l’approche amoureuse de Dieu — développée par l’école cistercienne — et de la théologie négative chrétienne dont Denys l’Aréopagite, aux Ve-VIe siècles, est la source incontestée.

32 Sur le mouvement béguinal, il existe une bibliographie très abondante. Je citerai les travaux suivants : B. DELMAIRE, « Les béguines dans le nord de la France au premier siècle de leur histoire », dans M. PARISSE, dir., Les religieuses en France au XIIIe siècle, Nancy, 1985, p. 121-162 ; G. EPINEY-BURGARD et É. ZUM BRUNN, Femmes troubadours de Dieu, Turnhout, Brepols, 1988 (« Témoins de notre histoire ») ; H. GRUNDMANN, Religiöse Bewegungen im Mittelalter, Untersuchungen über die geschichtlichen Zusammenhänge zwischen der ketzerei, den Bettelorden und dern religiösen Frauenbewegung im 12. und 13. Jahrhundert und über die geschichtlichen Grundlagen der deutschen Mystik, Berlin, 1935, rééd., Darmstadt, 1961 ; A.-M. HELVETIUS, « Les béguines : des femmes dans la ville aux XIIe et XIVe siècles », dans E. GUBIN et J.-P. NANDRIN, dir., La ville et les femmes en Belgique. Histoire et sociologie, Bruxelles, 1993 (« Travaux et Recherches », 28), p. 17-40 ; M. LAUWERS, « Paroles de femmes, sainteté féminine, l’Eglise du XIIIe siècle face aux béguines », dans G. BRAIVE et J.-M. CAUCHIES, dir., La critique historique à l’épreuve, Liber discipulorum Jacques Paquet, Bruxelles, 1989 (« Travaux et recherches », 17), p. 99-115 ; E. W. McDONNELL, The beguines and beghards in medieval culture, with special emphasis on the belgian scene, New Brunswick, 1954 ; A. MENS, Oorsprong en betekenis van de nederlandse begijnen en begardenbeweging, Anvers, 1947 ; E. NEUMANN, Rheinisches Beguinen-und Begardenwesen, Meisenheim, 1960 ; J.-C. SCHMITT, Mort d’une hérésie, l’Eglise et les clercs face aux béguines et aux bégards du Rhin supérieur du XIVe au XVe siècle, Paris/La Haye/New-York, Mouton, 1978 ; W. SIMONS, « The beguine movement in the southern low countries. A reassessement », Bulletin de l’Institut Historique Belge de Rome, 59 (1989) p. 63-105 ; W. SIMONS, Cities of ladies. Beguine Communities in the Medieval Law Countries, 1200-1565, Philadelphie, 2001. Je me permets de citer une petite étude que j’ai écrite sur les béguines : B. BEYER de RYKE, « La spiritualité des béguines, Trois femmes mystiques du XIIIe siècle : Mechtilde, Hadewijch, Marguerite », Villers, 14 (2000) p. 8-14.

33 G. EPINEY-BURGARD et É. ZUM BRUNN, Femmes troubadours de Dieu, op. cit., p. 11.

34 Le même reproche sera fait plus tard à Maître Eckhart. Voir B. BEYER de RYKE, Maître Eckhart, une mystique du détachement, Bruxelles, Ousia, 2000 (« Figures illustres », 1) [diffusion : Librairie philosophique J. Vrin] [pour les rapports entre Maître Eckhart et les béguines, voir p. 48-62 ; ce que je dis ici des béguines s’appuie sur les développements faits dans ce livre].

35 Sur le Libre Esprit, cf. R. GUARNIERI, Il movimento del Libero Spirito, testi e documenti, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 1965 (« Archivio italiano per la storia della pietà », 4) ; Id., « Frères du Libre Esprit », Dictionnaire de spiritualité, V, col. 1241-1268 ; R. E. LERNER, The Heresy of Free Spirit in the Later Middle Ages, Berkeley, University of California Press, 1972 ; R. VANEIGEM, Le mouvement du Libre Esprit, généralités et témoignages sur les affleurements de la vie à la surface du Moyen Âge, de la Renaissance, et, incidemment, de notre époque, Paris, Ramsay, 1986. Voir aussi N. COHN, Les fanatiques de l’Apocalypse, Paris, Julliard, 1964 [éd. angl. The pursuit of the Millenium, 1957].

36 D’après M. d’ALATRI, « Eresie perseguitate dall’ Inquisizione in Italia », The concept of heresy, 1976, p. 211-224. A. VAUCHEZ estime par ailleurs que la secte des frères et sœurs du Libre Esprit « n’a jamais existé que dans l’imagination des inquisiteurs », qu’il s’agit en somme d’une « étiquette commode qui permettait de se débarrasser de ceux qui s’opposaient » au « processus de normalisation » du bégardisme. Cf. A. VAUCHEZ, La spiritualité du Moyen Âge occidental, VIIIe-XIIIe siècle, Paris, Seuil, 1994 (« Points Histoire », 184) [le éd., Paris, PUF, 1975 ; ici nouvelle édition augmentée], p. 168.

37 R. GUARNIERI, « Frères du Libre Esprit », op. cit., col. 1245.

38 Pour la période qui nous concerne, les documents les plus importants sont ceux qui se rapportent : 1° à la persécution du bégardisme à Strasbourg (1317-1319) par Jean Ier de Zurich (1306-1328) ; 2° au procès d’inquisition intenté en 1322 par Henri II de Virnebourg (1304-1332) contre Walter de Hollande et ses compagnons ; 3° à cet autre procès mené vers 1335 par l’inquisiteur de Prague Gallus Neuhaus contre Jean et Albert de Brünn (Brno). Citons encore les procès suivants : en 1332, celui des béguines de Schweidnitz ; en 1350, celui de Constantin, à Erfurt ; en 1367, toujours à Erfurt, celui de Johannes Hartmann ; et en 1381, celui de Konrad Kannler.

39 Voir J. ORCIBAL, « Le miroir des simples âmes et la secte du Libre Esprit », Revue de l’histoire des religions, vol. 88, 1969, P. 35-60.

40 Osservatore Romano, 16 juin 1946.

41 Voir A. VAUCHEZ dans M. MOLLAT du JOURDIN et A. VAUCHEZ, dir., Un temps d’épreuves (1274-1449) : Histoire du christianisme des origines à nos jours, t.VI, Paris, Desclée/Fayard, 1990, p. 339-340.

42 Sur l’hostilité à l’encontre des béguines à la fin du XIIIe et au début du XIVe siècle, voir J.-C. SCHMITT, op. cit. Le clergé séculier et les fidèles voyaient en elles des paresseuses ; les mendiants, des concurrentes.

43 Les tiers ordres sont des organisations religieuses de pieux laïcs, créées en relation avec un premier ordre, masculin, et un second ordre, féminin. C’est le résultat en quelque sorte de l’agrégation de laïcs à un grand ordre religieux, laïcs désireux de mener une vie de perfection chrétienne dans le siècle, sans rompre avec la vie familiale et professionnelle. Les premières associations religieuses de ce type remontent, d’après les documents qui subsistent, au XIIe siècle.

44 Sur Marguerite Porète, voir Femmes troubadours... , p. 174-213. Pour le texte du Miroir, voir R. GUARNIERI, Il movimento del Libero Spirito, testi e documenti, Rome, Edizioni di Storia e Letteratura, 1965 (« Archivio italiano, per la storia della pietà », 4), p. 501-708. Pour la traduction latine médiévale en regard du texte en moyen-français (éd. Romana Guarnieri), voir Margaretae Porete, Speculum simplicium animarum, éd. P. VERDEYEN, Turnhout, Brepols, 1986 (« CCCM », 69). Il existe plusieurs traductions françaises, voir Le Miroir des âmes simples et anéanties, trad. M. Huot de Longchamp, Paris, Albin Michel, 1984 (« Spiritualités vivantes », 147) ; Le Miroir des simples âmes anéanties, trad. C. Louis-Combet, prés. E. Zum Brunn, Grenoble, Jérôme Millon, 1991. Voir également M. BERTHO, Le Miroir des âmes simples et anéanties de Marguerite Porète, une vie blessée d’amour, Paris, 1993. Voir aussi A. HOLLYWOOD, « Suffering Transformed : Marguerite Porete, Meister Eckhart, and the Problem of Women’s Spirituality », dans B. McGINN, dir., Meister Eckhart and the Beguine Mystics : Hadewijch of Brabant, Mechtilde of Magdebourg, and Marguerite Porete, New York, Continuum, 1994, p. 87-113 ; M. LICHTMANN, « Marguerite Porete and Meister Eckhart : The Mirror for Simple Souls Mirrored », dans Meister Eckhart and the Beguine... , p. 65-86 ; L. RICHIR, Marguerite Porète, une âme au travail de l’Un, Bruxelles, Ousia, 2002 (« Figures illustres », 3) [diffusion : Librairie philosophique J. Vrin].

45 Sur le procès de Marguerite Porète, voir P. VERDEYEN, « Le procès d’inquisition contre Marguerite Porete et Guiard de Cressonessart (1309-1310) », dans Revue d’histoire ecclésiastique, vol. 81, 1986, n°l-2, p. 47-94.

46 R. I. MOORE, La persécution, op. cit., p. 82.


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