Louis MÉNARD
À qui profite le crime ?
(les amis de paris-zanzibar)
les qestions sociales dans l’antiqité (Préface)
À qui profite le crime ?
La rigidité des étymons ortho, gramma et taxis, caractérise bien l’orthographe, la grammaire et la syntaxe qui sont, depuis trop longtemps, les attributs de la secte assassine qui décima les lettres françaises d’un nombre incalculable de poètes, de fabulistes, de romanciers, d’historiens ou de philosophes pour ne pas que, à intervalles réguliers, une charge vaine s’épuise à dénoncer leurs exactions.
Car elles sont vouées à un échec certain, toutes les tentatives non pas de réformer mais d’humaniser l’orthographe, non de simplifier mais de rendre cohérente la grammaire, non d’abandonner mais de libérer la syntaxe.
Les privilèges acquis par une poignée de ci-devants en dentelles se sont perpétués par-delà la défaite politique de leurs détenteurs, en déplaçant les conflits des champs de batailles sur la langue même de leurs ennemis.
La fondation de l’Académie française fut ainsi le premier acte d’une guerre qui n’est toujours pas achevée.
Les immortels grabataires qui poursuivent leur combat contre la liberté d’expression, ne sont évidemment pas les troupes d’élite de cette armée fantôme ; qu’ils aient accueilli Pétain, car Pétain fut académicien, avant de le chasser sans vergogne, illustre bien les sympathies politiques de ceux qui continuent à s’élire entre eux — et leur courage, aussi.
Quelques félons s’engagèrent contre leur propre camp : académiciens, journalistes, inspecteurs d’académie, maîtres d’école… qui prirent par deux fois vainement position en faveur d’une réforme avant que deux guerres (une guerre mondiale et une tempête dans un désert) ne missent un terme à leur assaut.
La distinction arbitraire (parce qu’elle est acquise) entre ceux qui savent plus ou moins écrire sans fautes et les autres répond aussi à un besoin de sélection et justifie l’existence sinon d’une maîtrise du moins d’une contremaîtrise.
Les maîtres ne sont pas seuls en cause, qui savaient rarement lire et encore moins écrire.
Des lettrés, burocrates parasites cherchant à justifier et leurs fonctions et leurs émoluments, créèrent des restrictions à l’accès de tous au savoir et à sa transmission.
Là où n’existait pas les lettres, les lettrés inventèrent des orthographes de substitution : la gravure des hiéroglyphes chez les Égyptiens ou les Aztèques, le dessin des idéogrammes chez les Chinois... Les lettrés des écritures alphabétiques, encore plus vicieux que des mandarins, ne songèrent à codifier l’orthographe et la grammaire qu’une fois leurs privilaiges menacés.
Avec l’imprimerie et la diffusion massive des écrits, des populations plus importantes que les habituels clients des copistes eurent accès aux textes.
Pendant les deux siècles qui suivirent, l’imprimerie propagea les langues régionales et populaires : chacun orthographiant comme il entendait sans que cela n’altère gravement l’expression au point de la rendre incompréhensible.
Cette liberté dura malgré quelques oppositions jusqu’à ce que l’État, en cours de centralisation administrative, décidât de mettre au pas ces littératures marginales et excentrées.
Sous le fumier des fleurs de l’expression libérée grouilla aussitôt la vermine académique.
Estimer que la langue est un patrimoine qu’il s’agirait de conserver en l’état, c’est-à-dire en l’état précédent, ne peut qu’être un acte de guerre politique menée par une élite demi-lettrée contre tous ceux qui prétendent s’exprimer en dehors du joug qu’elle impose à la pensée.
Le mépris qui accueille les proses imparfaites est le plus sévère garant des sournoises censures qui s’exercent contre les tentatives d’expreçions marginales parce que marginalisées du seul fait de leurs formes prétendument défectueuses.
En confisquant cette liberté, celle de l’expression, les maîtres, qui sont aussi ceux de la langue, exigent d’être contestés dans les termes qu’eux-mêmes ont choisis.
Une telle contestation qui reconnaît, avant même qu’elle ne soit formulée, une partie de l’autorité qu’elle est censée remettre en cause, ne peut évidemment pas mener très loin, si ce n’est de se faire digérer par les manuels scolaires.
Imagine-t-on le rebaile, un bout de langue dépassant de ses lèvres entrouvertes, s’appliquer à ne pas faire de faute, surveillant les accords de ses participes passés employés avec des verbes pronominaux et finir par écrire « ne travaillez jamais », après avoir péniblement acquis les maudalités de l’enfermement de sa pensée entre quatre règles illogiques et derrière des barbelés d’exceptions qui ne confirment qu’elles-mêmes ?
Rien ne justifie raisonnablement qu’une grafie soit utilisée plutôt qu’une autre ; ou alors il faudrait s’inquiéter de mettre à jour les querelles ortographiques qui durent accompagnées la naissance de l’écriture.
Trouver aussi les chapitres d’une grammaire mycénienne où le problème de l’accord du participe passé employé avec le verbe avoir était résolu en écriture kunéiforme, pour finir par s’émerveiller de l’origine éthimologique de n’importe quel mot primitivement décliné sur le mode du grognement (cri des pourceaux, de l’espagnol grunimiento, du néandertalien grôô).
Quelle que soit la façon d’écrire, ce qui est exprimé compte plus que le carcan graffique qui contraint le sens au point d’en interdire toute manifestation.
À quelques rares exceptions près, la forme orthograffique de la pensée peut être considérée comme néglijable parce que n’empêchant pas la compréhension du sens.
Il importe finalement peu que les révolutionnaires de 1793 graphitaient fautivement « mort aux tirans » sur les murs de Paris, pourvu qu’ils les aient mis réellement à mort.
La simplification de l’orthographe finira tôt ou tard par s’impozer aux sectateurs de règles puériles, parce que le bon sens ne peut éternellement être baffoué.
Une telle viktoire fera certainement oublier les soufrances inutiles et les méchantes çensures de cette guerre honteuse qu’une coterie passéiste mena contre l’expression libre, guerre d’autant plus onteuse que la piétaille en fut le personnel fonxionnaire chargé d’enseigner à des futurs citoyens les moyens de se faire comprendre.
Le français, cet langue artiphiciel que défandent les réaxionaires de tous les bors, n’était pourtant à l’origine qu’un argot latain brayé par les soudards des trouppes d’ocupaçion romaines.
Imaginer, kelques siècles plus tard, qu’un sous-dialekte puisse poçéder une kelkonke pureté relève des absurdités qu’échafffaudent ceux qui traquent le pur où ils ne peuvent pas le trouver — la même non-logike incite à penser que le blanc est plus pur que le noir pour finir par bafouiller que le Blanc est plus pur que le Noir et donk qu’une supériorité raçiale egsisterait.
La langue étant un instrument, la seule qestion qui puisse se poser à son sujet est celle de son èfikacité : tant que deux individus se comprainent, éyant au préalable akçepté de s’entendre sur le sens des mots qu’ils emploient, savoir si leur langue est pure ou pas n’a pas de sens.
Tout ce qui aide à comuniquer, quels ke soient les moiyens utilizés, et qui contribue à ce que des zomes se comprènent est néceçairement un progrès.
La tendançe à l’unifficassion de la langue et la dispariçion continue des dialektes depuis la préhystoire ne sont des drammes que pour les guardiens de zoos lingwistiques qi n’ont jamais ésité à recourrir aux langues dominnantes pour communiker entre eux ; s’exprimant pendan des siècles en latin pour ne pas être antendu du vulgaire, ils s’effraient maintenant de la dominaçion de l’anglo-amérikain en prétendant s’opozer à un mode de vie.
Certes, l’amérikanisation du monde n’est pas une bone nouvèle, anqore ke ce soit preske un fait istoryke, mai la romanisassion de la Maiditéranée ne l’était pas plus.
L’umanité, à terme, ne parlera plus k’une langue (bien qu’il ne puiçe pas enkor se sçavoir lakelle) parce ke le processus d’unnifficassion ne peut être frainné par les résistenses de partikularismes loquaux et dérizoires.
Que cette universalizassion se manifeste aujourdui sous son aspect le plus médiocre (c’est-à-dire à l’i-mage des maîtres du monde eux-mêmes), est un détaye qui ne survivra pas à la rhuine du systaime ékonomique qui l’a réalisée.
Préserver, dans ces condissions, la forme arquaïque d’une langue presqe morte pourtant parlée par des vivants et s’en servir de façon sélective, alors que tout porte déjà à croire que c’est un comba inutile (au moins en cela que la dificulté de son long apprentissage lui interdi toute prétension à l’universalité), dénnonce la qruauté répressive des petits maîtres vernaculaires aidés par des fonxionnaires désespérés de perdre les quelkes privilèges qui leur restaient enquore.
K’ilz donent synon hune çeule bone raizon de respékter l’ortaugraffe.
F. Leuclairk
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