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203 Japon : le péril jésuite
Lafcadio Hearn

Source : Gallica BNF
Traduction : Marc Logé (1921), complétée par les parties non traduites.


Lafcadio Hearn (Koizumi Yakumo 小泉八雲)
(1850-1904)

Japon, Un essai d’interprétation (1904)
(Japan, An Attempt at Interpretation)

 

Le péril jésuite

 

LA seconde moitié du seizième siècle est la période la plus intéressante de l’histoire japonaise, et cela pour trois raisons. D’abord elle vit l’apparition de ces chefs puissants, Nobunaga, Hidéyoshi et Iyéyasu. C’étaient, tous trois, de ces hommes qu’une race ne semble produire que dans des crises suprêmes, de ces hommes dont la venue exige non seulement la préparation de générations innombrables, mais aussi un extraordinaire concours de circonstances. En second lieu, c’est durant cette période que se produisit « l’intégration » complète de l’ancien système social, l’union définitive de toutes les seigneuries de clan sous un gouvernement militaire central. Et enfin, cette période présente un intérêt spécial parce que c’est alors que se place le premier effort du christianisme pour convertir le Japon, — la grandeur et la décadence du pouvoir Jésuite.

Cet épisode de l’histoire japonaise est plein d’enseignement pour le sociologue. Le plus grand danger qui menaça jamais l’intégrité nationale japonaise fut probablement, en dehors des luttes intestines de la maison impériale, au douzième siècle, l’introduction du christianisme par les Jésuites portugais. La nation ne se sauva qu’au prix de mesures impitoyables, de souffrances infinies et du sacrifice d’innombrables vies humaines.

Cet élément inconnu de trouble fut importé au Japon par Xavier (1) et ses disciples, un peu avant le moment où Nobunaga tenta son grand effort pour centraliser l’autorité. Xavier débarqua à Kagoshima en 1549, et en 1581 les Jésuites possédaient plus de deux cents églises au Japon. Ce fait suffit à indiquer avec quelle rapidité la nouvelle religion se propagea. Et elle sembla destinée à s’étendre dans tout l’empire. En 1585, une ambassade religieuse japonaise fut reçue à Rome — et à cette époque onze daimyôs, — ou « rois, » ainsi que les Jésuites les appelaient assez justement, — s’étaient déjà convertis. Plusieurs d’entre eux étaient des seigneurs très puissants. La nouvelle croyance avait fait aussi de rapides progrès parmi les gens du peuple ; elle devenait « populaire » dans le sens strict du mot.

Lorsque Nobunaga arriva au pouvoir, il favorisa les Jésuites de bien des façons. Il ne le fit pas par sympathie pour leur croyance, car il ne pensa jamais à se faire chrétien. Mais il croyait que les chrétiens lui seraient utiles dans sa campagne contre le Bouddhisme. Comme eux, Nobunaga n’avait aucun scrupule sur le choix des moyens pour parvenir à ses fins. Plus impitoyable que Guillaume le Conquérant, il n’hésita pas à mettre à mort son frère et son beau-frère, lorsque ceux-ci osèrent s’opposer à sa volonté. L’aide et la protection qu’il accorda aux prêtres étrangers, pour de simples raisons politiques, permit à ceux-ci d’asseoir leur influence à un point qui fit bientôt regretter au souverain sa bienveillance. Mr Gubbins, dans sa « Review of the Introduction of Christianity into China and Japan », cite à ce sujet un passage intéressant tiré d’un livre japonais, Ibuki Mogusa : —

« Nobunaga commença à regretter sa politique antérieure qui permettait l’introduction du Christianisme. Donc il réunit ses suivants, et il leur dit : « La conduite de ces missionnaires qui persuadent les gens de les suivre en leur donnant de l’argent ne me plaît guère. Que diriez-vous si nous démolissions Nambanji ? [le Temple des Sauvages du sud — nom donné à l’église portugaise] » Alors Mayéda Tokuzénin répondit : « Il est maintenant trop tard pour démolir le temple des Namban. L’effort d’arrêter aujourd’hui le pouvoir de cette religion ressemblerait à celui d’arrêter le courant de l’océan. Des nobles, grands et petits, y adhèrent. Si vous voulez exterminer cette religion maintenant, il est à craindre que du trouble s’ensuivrait parmi vos propres vassaux. Je suis donc d’avis que vous abandonniez votre projet de détruire le Nambanji. » Nobunaga regretta donc beaucoup son attitude antérieure vis-à-vis de la religion chrétienne, et il se mit à songer comment il pourrait la déraciner. »

Il se peut que l’assassinat de Nobunaga en 1586 ait prolongé cette période de tolérance. Son successeur Hidéyoshi, qui estimait aussi que l’influence des prêtres étrangers était dangereuse, se préoccupait pour le moment du grand problème de centraliser le pouvoir militaire, de façon à donner la paix au pays. Cependant la furieuse intolérance des Jésuites dans les provinces du Sud leur avait déjà fait beaucoup d’ennemis, tous pressés de se venger des cruautés de la nouvelle religion. Dans les histoires des missions on lit que les daimyôs convertis brûlaient des milliers de temples bouddhistes, qu’ils détruisaient d’innombrables œuvres d’art, et qu’ils massacraient les prêtres bouddhistes. Et les écrivains Jésuites louent ces preuves d’un zèle sacré. Au début, la foi étrangère s’était faite persuasive ; plus tard, puisant de la force dans l’encouragement de Nobunaga, elle devint coercitive et féroce. Une réaction éclata une année après la mort de Nobunaga. En 1587, Hidéyoshi détruisit les églises des missionnaires à Kyôto, Ôsaka et Sakai. Il chassa les Jésuites de la capitale. L’année suivante il leur intima l’ordre de se rassembler dans le port de Hirado, et de s’apprêter à quitter le Japon. Les Jésuites se sentirent assez forts pour lui désobéir ; au lieu de quitter le Japon, ils s’éparpillèrent dans le pays en se plaçant sous la protection de divers daimyôs chrétiens. Hideyoshi estima sans doute qu’il eût été impolitique d’insister davantage. Les prêtres se tenaient tranquilles : ils cessèrent de prêcher en public ; et leur effacement volontaire les servit bien jusqu’en 1591. Cette année-là, l’arrivée de certains Franciscains espagnols changea les choses. Ces Franciscains faisaient partie de la suite d’une ambassade venue des Îles Philippines. Ils obtinrent la permission de demeurer au Japon, à la conditition de ne pas prêcher le christianisme. Ils ne tinrent pas leur serment, et quittant toute prudence ils éveillèrent la colère de Hidéyoshi. Celui-ci résolut de faire un exemple. En 1597, il fit crucifier, à Nagasaki, six Franciscains, trois Jésuites, et plusieurs autres chrétiens. Cette attitude du grand Taikô vis-à-vis de la foi étrangère hâta la réaction, qui déjà s’était fait sentir dans plusieurs provinces. Mais la mort de Hidéyoshi, qui survint en 1598, permit aux Jésuites d’espérer des temps meilleurs. Iyéyasu, qui lui succéda, était froid et prudent. Il leur permit d’espérer et même de se réinstaller à Kyôto, à Ôsaka, et ailleurs. Il se préparait pour la grande lutte qui allait être décidée par la bataille de Sékigahara. Il savait que l’élément chrétien était divisé, car certains des chefs chrétiens étaient ses partisans, tandis que d’autres soutenaient ses ennemis. Le moment eût donc été mal choisi pour une politique de répression. Mais en 1606 Iyéyasu avait établi solidement sa puissance. II se montra alors pour la première fois décidément hostile au christianisme. Il publia un écrit qui interdisait tout prosélytisme, et qui déclarait que tous ceux qui avaient adopté la religion étrangère étaient obligés de l’abandonner. Cependant la propagande chrétienne continua, menée non seulement par les Jésuites, mais aussi par les Dominicains et les Franciscains. Il paraît que le nombre des chrétiens au Japon s’élevait alors à deux millions. Cela semble fort exagéré. Pourtant Iyéyasu ne prit aucune mesure sévère de répression jusqu’en 1614. Alors commença la grande persécution. Avant cette date, il n’y avait eu que des persécutions locales conduites par des daimyôs indépendants, et non par le gouvernement central. Par exemple, à Kyûshû, les persécutions locales semblent avoir été les conséquences naturelles de l’intolérance des Jésuites au temps de leur puissance, quand les daimyôs convertis brûlaient les temples et massacraient les prêtres bouddhistes. Et ces persécutions étaient les plus impitoyables dans les régions mêmes, comme Bungo, Ômura et Hijo, où la religion native avait été poursuivie avec le plus de férocité, sur l’instigation jésuite. Mais en 1614 il ne restait plus que huit provinces du Japon, sur un total de soixante-quatre, où le christianisme n’eût pas été introduit. Et à partir de ce moment, la suppression de la foi étrangère devint une affaire d’État. La persécution fut menée d’une façon systématique et ininterrompue, jusqu’à la disparition complète de toute trace visible du christianisme.

 

La destinée de ces missions fut donc vraiment décidée par Iyéyasu et ses successeurs immédiats. Mais c’est le rôle joué par Iyéyasu qui mérite surtout notre attention. Les trois grands chefs japonais s’étaient tous, plus ou moins tôt, retournés contre la propagande étrangère. Mais Iyéyasu seul trouva le temps et eut l’habileté de traiter le problème social que cette propagande avait posé. Même Hidéyoshi avait craint de compliquer les troubles politiques par des mesures rigoureuses. Iyéyasu hésita longtemps. Les raisons de son hésitation furent surtout diplomatiques. Il n’était pas un homme à agir à la hâte, ni à se laisser influencer par des préjugés d’aucun genre. Le supposer timide serait bien contraire à tout ce que nous savons de son caractère. Il comprit, naturellement, qu’il ne pourrait extirper une religion qui pouvait prétendre à plus d’un million d’adhérents sans imposer de grandes souffrances. Or, il n’était pas enclin à provoquer des maux inutiles. II s’était toujours montré humain, ami du peuple. Cependant, c’était, avant tout, un homme d’État et un patriote. Pour lui, le grave problème était de savoir quelle influence la religion étrangère exerçait sur les mœurs politiques et sociales du Japon. Ce problème exigeait une étude longue et patiente, il semble y avoir donné beaucoup d’attention. Il décida enfin que le christianisme romain constituait un grand danger politique, et que sa suppression était une nécessité inévitable. Les mesures sévères que Iyéyasu et ses successeurs prirent contre le christianisme, et qui furent maintenues pendant près de deux cents ans, ne purent arracher complètement la foi nouvelle, tant les racines en étaient profondes. Superficiellement toute trace de christianisme disparut aux yeux des Japonais. Mais en 1865 on découvrit près de Nagasaki certaines communautés qui avaient conservé en secret des traditions, des formes romaines du culte, et qui employaient encore des termes religieux latins et portugais.

 

Afin de bien comprendre la décision de Iyéyasu, qui fut à la fois l’un des hommes d’État les plus habiles et les plus humains qui aient jamais vécu, il faut considérer du point de vue japonais la raison qui le décida à agir. Il avait été mis au courant de toutes les intrigues des Jésuites au Japon, dont plusieurs même avaient été dirigées contre lui. Mais il fut moins inquiet de ces intrigues que des conséquences qu’elles pouvaient avoir. Les intrigues religieuses étaient communes chez les Bouddhistes et n’attiraient guère l’attention du gouvernement militaire, sauf lorsqu’elles entravaient la politique de l’État, ou troublaient l’ordre public. Mais l’on prenait très au sérieux les intrigues religieuses qui se proposaient de renverser le gouvernement, et de placer le pays sous une domination sectaire. Nobunaga avait montré durement au Bouddhisme le danger de telles intrigues. Iyéyasu décida que les intrigues jésuites avaient un objet politique, très ambitieux. Mais il fut plus patient que Nobunaga. En 1603, toutes les régions du Japon étaient sous son autorité ; pourtant il ne promulgua son édit décisif que onze années plus lard. Cet édit s’appuyait sur l’affirmation très nette que les prêtres étrangers complotaient afin de s’emparer du gouvernement et de dominer le pays : —

« La bande Kirishitan (chrétienne) est venue au Japon. Elle n’a pas seulement envoyé ses navires marchands pour échanger des marchandises. Elle souhaite aussi propager une mauvaise loi, renverser la vraie doctrine, et prendre possession du pays. Voici le germe d’un grand désastre et il faut l’écraser. . . .

« Le Japon est le pays des dieux et du Bouddha : il honore les dieux et révère le Bouddha. . . . La faction des Bateren (2) ne croit pas au Chemin des Dieux ; elle blasphème la loi véritable, — elle viole le bien et insulte le vrai. . . . Ce sont vraiment les ennemis des dieux et du Bouddha. . . . Si ceci n’est pas rapidement prohibé, la sécurité de l’État va sûrement être en danger. Et si ceux qui sont chargés de la direction des affaires d’État ne mettent pas immédiatement une fin à ce mal, ils s’exposeront au courroux du Ciel.

« Il faut balayer sans tarder ces missionnaires, de façon à ce que pas un centimètre de terre ne leur appartienne au Japon où ils puissent poser leurs pieds. Et, s’ils refusent d’obéir à ce commandement, ils en payeront la peine. . . . Que le ciel et les Quatre Mers entendent ces paroles. Obéissez ! » (3)

Il faut remarquer que deux accusations distinctes sont portées contre les Bateren dans ce document. D’abord on les accuse d’une conspiration politique sous le masque de la religion, afin de s’emparer du gouvernement, et puis on les accuse d’intolérance vis-à-vis des formes bouddhistes et shintoïstes de l’adoration nationale. Cette intolérance est prouvée par les écrits des Jésuites eux-mêmes. Mais l’imputation de conspiration fut moins facile à vérifier. Pourtant, qui pourrait raisonnablement douter que, l’occasion se présentant, les ordres catholiques romains n’auraient pas essayé de régenter le gouvernement général, comme ils avaient déjà réussi à mener le gouvernement local dans les seigneuries des daimyôs convertis ? D’ailleurs il est presque certain qu’au moment où fut publié cet édit bien des faits avaient donné à Iyéyasu une fort mauvaise opinion du catholicisme romain. Il connaissait sans doute les conquêtes espagnoles de l’Amérique, et l’extermination des races des Antilles. Il n’ignorait pas les persécutions des Pays-Bas, et l’œuvre de l’Inquisition. Il savait l’essai de Philippe II pour conquérir l’Angleterre, et la perte des deux invincibles Armadas. L’édit ne fut proclamé qu’en 1614, et, quatorze ans plus tôt, Iyéyasu avait déjà pu se renseigner sur certains de ces faits. En 1600, le pilote anglais Will Adams était arrivé au Japon avec un navire hollandais. Adams avait entrepris son aventureux voyage en 1598, — exactement dix ans après la défaite de la première Armada espagnole, et un an après la ruine de la deuxième. II avait connu les belles années de la Reine Elisabeth, qui vivait toujours : il avait très probablement vu Howard, Seymour, Drake, Hawkins, Frobisher et sir Richard Grenville, le héros de 1591. Car ce Will Adams venait du comté de Kent, et avait « servi comme commandant et pilote sur les navires de Sa Majesté. . . . » Le navire hollandais fut saisi dès son arrivée à Kyûshû. Adams et ses compagnons furent mis en sûreté par le daimyô de Bungo, qui en avertit Iyéyasu. L’arrivée de ces marins protestants fut considérée par les Jésuites portugais comme fort importante. Ils avaient leurs raisons pour craindre les résultats d’une entrevue de ces hérétiques et du chef du Japon. Mais Iyéyasu, lui non plus, ne considérait pas l’événement comme négligeable. Il donna l’ordre d’amener Adams à Ôsaka. L’inquiétude malveillante des Jésuites n’avait pas échappé à l’observation pénétrante de Iyéyasu. Ils essayèrent plusieurs fois de faire tuer les marins, et cela d’après l’affirmation écrite d’Adams lui-même, qui n’était certainement pas un menteur. Et ils réussirent, à Bungo, à faire une telle peur à deux gredins de l’équipage que ceux-ci donnèrent un faux témoignage. (4) « Les Jésuites et les Portugais, écrivit Adams, donnèrent bien des preuves à l’empereur (Iyéyasu) que nous étions des voleurs et des pirates de toutes les nations, et que, si on nous laissait la vie, ce serait bien contre l’intérêt de sa grandeur et du pays. » Cependant, les bonnes dispositions d’Iyéyasu s’augmentaient de l’ardeur même des Jésuites à faire tuer Adams, à le faire « crucifier, ce qui, dit-il lui-même, est la coutume de justice au Japon, comme la pendaison en Angleterre ». Et il répondit aux Jésuites, dit Adams, « que comme nous ne lui avions fait jusqu’alors aucun mal, ni à lui, ni à son pays, ce serait agir contre la raison et la justice que de nous mettre à mort ». Il advint donc précisément ce que les Jésuites redoutaient le plus, ce qu’ils avaient en vain essayé d’empêcher par l’intimidation, par la calomnie, par toutes les intrigues possibles : une entrevue de Iyéyasu et de Will Adams, l’hérétique.

« Dès que je fus devant lui, écrivit Adams, il me demanda à quel pays nous appartenions. Je lui répondis sur tous les points, car il n’y eut rien sur quoi il ne m’ait pas interrogé. Il me questionna même sur la guerre et la paix entre les différents pays. De sorte qu’il serait trop long de rapporter ici tous les détails. Mais pour cette fois-là, je fus simplement condamné à être emprisonné, sans être maltraité, avec un des marins qui m’avaient accompagné pour me servir. » D’après une autre lettre d’Adams, il semblerait que l’entrevue ait duré fort avant dans la nuit, et que les questions d’Iyéyasu aient eu surtout pour objet la politique et la religion. « Il demanda, dit Adams, si notre pays était en guerre. Je lui répondis qu’il combattait contre les Espagnols et les Portugais, bien qu’il fût en paix avec le reste du monde. Puis il me demanda en quoi je croyais. Je lui répondis que je croyais en Dieu, qui a fait le ciel et la terre. Il me posa diverses autres questions sur les choses de la religion, et sur d’autres choses encore. Comme, par exemple, sur le chemin par où nous étions venus au Japon. Comme j’avais sur moi une carte du monde, je lui montrai le passage du Détroit de Magellan. Il fut très étonné et crut que je mentais. Ainsi, passant d’un sujet à un autre, je restai avec lui jusqu’à minuit. » . . . Il paraît que les deux hommes se plurent à première vue. Et Adams fait la remarque suivante, très significative, sur Iyéyasu : « Il me regarda longuement, et parut étonnamment bien disposé mon égard. » Deux jours plus lard, Iyéyasu envoya de nouveau chercher Adams, et l’interrogea précisément sur les points que les Jésuites souhaitaient laisser dans l’ombre. « Il me questionna sur les causes des guerres entre l’Espagne, le Portugal et notre pays. Et je les lui donnai, ce qui, me sembla-t-il, le réjouit fort. Enfin je fus ramené en prison, mais mon logement avait été amélioré. » . . . Adams ne revit plus Iyéyasu pendant six semaines. Puis il fut de nouveau mandé en sa présence, et interrogé une troisième fois. Ce nouvel examen lui valut la liberté et la faveur royale. Dorénavant, Iyéyasu l’envoya chercher de temps en temps. Et nous le voyons bientôt apprenant au grand homme d’État « certains points de géométrie, des notions de mathématiques, entre autres choses. » . . . Iyéyasu fit beaucoup de présents à Adams ; il lui donna un train de vie agréable, et le chargea de construire des navires pouvant tenir la haute mer. Peu à peu le pauvre pilote fut créé Samuraï, et doté d’un domaine. « Étant employé au service de l’empereur, écrivit-il, celui-ci m’a donné un domaine, qui ressemble à une seigneurie anglaise avec quatre-vingts mercenaires qui sont mes esclaves ou mes domestiques. Rien de tel n’a encore jamais été donné à un étranger. » . . . L’influence qu’Adams exerçait sur Iyéyasu est prouvée par la correspondance du capitaine Cook, de la Factorerie anglaise, qui écrivit, en 1614 : « La vérité est que l’empereur a une telle estime pour Adams que celui-ci peut le voir et lui parler à tout moment, même lorsque des rois et des princes ne sont pas admis en sa présence. » (5) Et ce fut grâce à cette influence que les Anglais furent autorisés à établir un comptoir à Hirado. Il n’y a pas, au dix-septième siècle, de roman plus étrange que celui de ce simple pilote anglais aidé de sa seule honnêteté et de son bon sens. Il fut extraordinairement en faveur auprès du plus fin et du plus grand chef japonais. Adams n’eut jamais l’autorisation de retourner en Angleterre, peut-être parce que Iyéyasu considérait ses services comme trop précieux. Il écrit lui-même que Iyéyasu ne lui refusa jamais ce qu’il demandait, (6) sauf le droit de se rendre en Angleterre. Lorsqu’il insistait trop sur ce point, « le vieil Empereur » restait silencieux.

 

La correspondance de Will Adams prouve que Iyéyasu ne négligeait aucun moyen de s’informer directement des affaires étrangères, en religion et en politique. Quant aux affaires du Japon, il avait à sa disposition le système d’espionnage le plus parfait qui ait jamais été établi. Il savait tout ce qui se passait. Pourtant, il attendit quatorze ans avant de proclamer son édit contre les Jésuites. Il est vrai qu’il renouvela l’édit d’Hidéyoshi en 1606, mais celui-ci concernait plutôt la prédication publique des doctrines chrétiennes. Et, tant que les missionnaires se conformèrent à cette loi en apparence, il continua à les tolérer sur ses domaines. Les persécutions se poursuivaient ailleurs — mais la propagande secrète se poursuivait aussi et les missionnaires avaient encore de l’espoir. Pourtant il y avait une menace dans l’air, pareille à la lourdeur qui précède les orages. Le capitaine Saris, qui écrivit des lettres du Japon en 1613, rapporte un incident pathétique et très suggestif. « Je permis à certaines femmes du peuple japonais d’entrer dans ma cabine, où était suspendu un tableau placé dans un grand cadre représentant assez légèrement une Vénus et son fils Cupidon. Ces femmes crurent que ce tableau représentait Notre Dame et son enfant. Elles se prosternèrent, et l’adorèrent avec tous les signes d’une profonde piété. Et elles me dirent à voix basse, — afin que certaines de leurs compagnes ne les entendissent point, qu’elles étaient Christianos et nous comprîmes alors que c’étaient des femmes chrétiennes, converties par les Jésuites portugais. » Lorsque Iyéyasu prit pour la première fois des mesures rigoureuses, celles-ci n’étaient point dirigées contre les Jésuites, mais contre un ordre plus important ; nous savons cela par la correspondance d’Adams. « En 1612, dit-il, toutes les sectes des Franciscains furent supprimées. Les Jésuites ont un privilège — étant à Nagasaki, seule ville dans laquelle toutes les sectes soient tolérées. Dans les autres villes elles ne sont point permises. » Le catholicisme romain connut deux ans de tranquillité après l’épisode des Franciscains.

Il reste encore à se demander pourquoi dans son Testament et ailleurs Iyéyasu l’a appelé une « religion fausse et pourrie ». Du point de vue Extrême-Oriental, il n’aurait guère pu la juger autrement après un examen impartial. Elle était essentiellement opposée à toutes les croyances et toutes les traditions qui soutenaient la société japonaise. L’État japonais était un agrégat de communautés religieuses, ayant à sa tête un Dieu-Roi. Les coutumes de toutes ces communautés avaient la force de lois religieuses et la morale se confondait avec l’obéissance à ses coutumes. La piété filiale était la base de l’ordre social, et le loyalisme patriotique lui-même dérivait de la piété filiale. Mais la croyance occidentale qui enseignait qu’un homme devait quitter ses parents pour s’attacher à sa femme tenait la piété filiale tout au plus pour une vertu inférieure. Cette croyance proclamait que le devoir envers les parents, les seigneurs et les chefs n’était un devoir que lorsque l’obéissance n’entraînait pas d’action opposée à l’enseignement romain. Et elle enseignait encore que la suprême obéissance était due, non au souverain céleste, à Kyôto, mais au Pape, à Rome. Ces missionnaires portugais et espagnols n’avaient-ils pas appelé les dieux et les bouddhas des démons ? De pareilles doctrines devaient sûrement paraître subversives, fussent-elles même interprétées de la façon la plus adroite par leurs apologistes ! D’ailleurs, la valeur d’une croyance en tant que force sociale peut se juger d’après ses fruits. Or cette croyance a été en Europe une cause incessante de désordres, de guerres, de persécutions et de cruautés atroces. Au Japon, elle avait fomenté de grands troubles, elle avait formé des intrigues politiques, et causé ainsi un mal énorme. Elle pouvait justifier l’indiscipline des enfants vis-à-vis de leurs parents, des femmes vis-à-vis de leurs maris, des vassaux vis-à-vis de leurs seigneurs et des seigneurs vis-à-vis de leurs shoguns. Le premier devoir du gouvernement était alors de raffermir l’ordre social, et d’assurer la paix et la sécurité, qui seules pouvaient relever la nation épuisée par mille années de combats. Mais, tant que l’on laisserait la religion étrangère attaquer et saper les fondements de l’ordre, jamais la paix ne régnerait. . . . Voilà sans doute ce que pensait Iyéyasu lorsqu’il publia son célèbre édit. Il est seulement surprenant qu’il l’ait si longtemps retardé.

Il est très possible que Iyéyasu, qui n’agissait jamais sans raisons, ait attendu un moment où le christianisme n’aurait point parmi les Japonais un chef de grande valeur. En 1611 il apprit qu’une conspiration chrétienne s’ourdissait dans l’Île de Sado (une région minière exploitée par un bagne) dont le gouverneur Ôkubo s’était converti au christianisme et ambitionnait de devenir gouverneur du pays. Mais Iyéyasu attendait toujours. En 1614, le christianisme n’avait même plus un Ôkubo pour ranimer ses espoirs déçus. Les daimyôs convertis au seizième siècle étaient morts, dépossédés ou punis. Les grands généraux chrétiens avaient été exécutés. Les quelques convertis importants qui subsistaient étaient surveillés, et pratiquement impuissants.

Les prêtres étrangers et les catéchistes indigènes ne furent pas persécutés immédiatement après la proclamation de 1614. Trois cents d’entre eux furent embarqués et expulsés du pays, avec plusieurs Japonais soupçonnés d’avoir pris part à des intrigues politiques. Parmi ceux-ci se trouvait Takayama, jadis daimyô de Akashi, appelé « Justo Ucondono » par les écrivains jésuites, et que Hidéyoshi avait dégradé et dépossédé en raison même de ces intrigues. Iyéyasu ne donna pas l’exemple d’une inutile sévérité. Mais il prit des mesures plus rigoureuses après un incident survenu en 1615, l’année qui suivit la proclamation du décret. Hidéyori, le fils d’Hidéyoshi, avait été supplanté, heureusement pour le pays, par Iyéyasu, sous la tutelle de qui le jeune homme avait été placé. Iyéyasu prit grand soin de la personne de celui-ci, mais il n’avait pas l’intention de laisser diriger le pays par ce jeune homme de vingt-trois ans. Malgré plusieurs intrigues politiques, auxquelles Hidéyori avait pris part, Iyéyasu lui avait laissé de grands revenus, et le gouvernement de la plus forte citadelle du Japon, le château fort de Ôsaka, que le génie d’Hidéyoshi avait rendu à peu près imprenable. Hidéyori, contrairement à son père, favorisait les Jésuites. II fit du château de Ôsaka un refuge pour les adhérents de « la secte fausse et corrompue ». Informé par ses espions qu’il se préparait une intrigue dangereuse, Iyéyasu résolut de sévir. Et il fut impitoyable. Malgré une défense énergique, la grande forteresse fut assiégée et brûlée, et Hidéyori périt dans l’incendie. On prétend que cent mille vies humaines furent sacrifiées dans ce siège. Adams raconte ainsi la conspiration d’Hidéyori : —

« Il était entré en guerre avec l’Empereur . . . poussé par les Jésuites et les moines qui lui faisaient croire qu’il serait favorisé de miracles et de prodiges. Mais il s’aperçut bientôt que ces promesses étaient vaines. Le Vieil Empereur arma contre lui ses forces de terre et de mer, et cerna le château où Hidéyori s’était réfugié. Et malgré des pertes innombrables de côté et d’autre, le château fut pris, rasé, incendié, et Hidéyori brûlé dans ses murs. Ainsi s’acheva la guerre. Or l’empereur ayant ouï dire que les Jésuites et les moines se trouvaient dans le château avec ses ennemis, il ordonna que tous les hommes romains quittassent son pays, — et que leurs églises fussent détruites et brûlées. Ceci advint sous le règne du Vieil Empereur. Or, en cette année 1615, le Vieil Empereur est mort, Son fils règne à sa place, et il est encore plus ardent contre les révoltés romains que ne l’était son père. Car il a interdit, dans tout son domaine, à aucun de ses sujets de se faire chrétien romain, sous peine de mort. Et afin d’enrayer de toutes les façons possibles les progrès de cette secte romaine, il a interdit à tout marchand étranger de vivre dans aucune des grandes villes. » . . .

Le fils auquel il est fait allusion ici était Hidétada, qui, en 1617, publia un décret condamnant à mort tout prêtre ou moine catholique que l’on trouverait au Japon. II avait pris cette rigoureuse décision parce que de nombreux prêtres expulsés du Japon y étaient revenus en secret, tandis que d’autres y étaient restés, pour continuer leur propagande, sous des déguisements divers. En attendant, dans chaque ville, village, ou hameau de l’empire, des mesures avaient été prises pour extirper le christianisme romain. Chaque communauté fut rendue responsable de la présence, chez elle, de toute personne appartenant à la foi étrangère. Et des magistrats spéciaux, des inquisiteurs, appelés Kirishitan-bugyô, furent nommés pour rechercher et punir les partisans de la croyance interdite. (7) Les chrétiens qui abjuraient librement n’étaient pas punis. Ils étaient simplement surveillés. Ceux qui refusaient d’abjurer, même après la torture, étaient, ou dégradés à la condition d’esclaves, ou mis à mort. En certaines parties du pays, on employa une cruauté extraordinaire et toutes les formes imaginables de torture pour obliger les victimes à abjurer. Pourtant il est presque certain que les épisodes les plus atroces de la persécution étaient le fait de la cruauté des gouverneurs locaux ou magistrats. Ainsi Takénaka Unémé-no-Kami fut contraint par le gouvernement à faire le harakiri pour avoir abusé de ses pouvoirs à Nagasaki, où il avait eu recours à la persécution pour extorquer de l’argent aux chrétiens. En tous cas la persécution provoqua, enfin, dans le daimyat de Arima, une révolte des chrétiens, connue, dans l’histoire, sous le nom de Révolte de Shimabara. En 1636, une armée de paysans, réduits au désespoir par la tyrannie de leurs seigneurs, le daimyô de Arima et le daimyô de Karatsu (des régions de convertis), se soulevèrent, brûlèrent tous les temples japonais du voisinage, et déclarèrent une guerre religieuse. Leur étendard portait une croix : leurs chefs étaient des Samuraïs convertis. Bientôt rejoints par des réfugiés chrétiens venus de tous les coins de l’empire, ils furent bientôt trente ou quarante mille hommes. Ils s’emparèrent, sur la péninsule de Shimabara, près d’un village appelé Hara, d’un château abandonné, et ils le fortifièrent. Les autorités locales ne purent venir à bout de la rébellion. Et les insurgés tinrent bon, jusqu’à l’arrivée des forces impériales, qui comptaient plus de 160.000 hommes. Après une vaillante résistance, qui dura 102 jours, le château fut pris d’assaut en 1638, et tous ses défenseurs, y compris les femmes et les enfants, furent passés au fil de l’épée. L’incident fut considéré officiellement comme une insurrection paysanne. Les auteurs en furent sévèrement punis. Le seigneur de Shimabara (Arima) fut condamné à faire harakiri. Les historiens japonais affirment que ce soulèvement avait été projeté et mené par des chrétiens ; que ceux-ci avaient l’intention de s’emparer de Nagasaki, de soumettre Kyûshû, de solliciter l’aide de troupes étrangères et d’arriver à changer de gouvernement. Les écrivains jésuites prétendent qu’il n’y eut point de complot. Une chose, du moins, est certaine : un appel révolutionnaire avait été adressé aux chrétiens, qui y répondirent en grand nombre. Un château fort sur la côte de Kyûshû, occupé par trente ou quarante mille chrétiens, constituait un très grave danger. Il pouvait favoriser une invasion espagnole au Japon, et cette invasion avait des chances de succès. Le gouvernement semble avoir compris ce danger. C’est pourquoi il envoya une armée considérable à Shimabara. Si les rebelles avaient pu recevoir du renfort, il en serait sans doute résulté une guerre civile fort prolongée. Quant au massacre, il ne fut qu’une application de la loi japonaise infligeant la peine de mort à tout paysan révolté contre son seigneur, quelles que fussent les circonstances. Il faut se rappeler que Nobunaga extermina les bouddhistes de Tendai à Hiéi-San, à la suite d’une provocation infiniment moins grave. Nous avons toutes les raisons de plaindre les hommes vaillants qui moururent à Shimabara, nous pouvons aussi éprouver de la sympathie pour leur révolte contre la tyrannie de leurs chefs. Mais pour juger équitablement cet événement, il faut le considérer du point de vue de la politique japonaise.

On prétend que les Hollandais avaient contribué, avec l’artillerie de leurs bateaux, à écraser la révolte. Ils ont avoué avoir tiré 426 obus sur le château. Cependant la correspondance de la factorerie hollandaise à Hirado prouve qu’ils avaient été menacés avant de riposter. En tous cas, il serait bien difficile de trouver de bonnes raisons pour dénoncer leur conduite du point de vue purement religieux. Il est vrai que cette conduite prête à la critique au point de vue humain. Les Hollandais ne pouvaient pas raisonnablement refuser aux autorités japonaises de les aider dans la répression d’une révolte, simplement parce qu’une grande partie des rebelles se trouvaient professer la même religion qui jadis a fait brûler vifs, comme hérétiques, les hommes et les femmes des Pays-Bas. Très probablement bien des parents de ces Hollandais avaient subi le joug de Alva. Et il est bien évident que c’est là ce qui serait arrivé à tous les Anglais et Hollandais au Japon, si le clergé espagnol et portugais avait réussi à dominer le gouvernement.

 

Le massacre de Shimabara termine l’histoire des missions portugaises et espagnoles. Peu à peu le christianisme fut écrasé, lentement, mais implacablement. Il n’avait été toléré que pendant soixante-cinq ans. L’histoire entière de sa propagande et de sa destruction occupe à peine une période de 90 ans. Pour le christianisme, des gens de tous les rangs, — depuis le prince jusqu’au mendiant,— ont souffert, des milliers de personnes ont subi la torture, et des tortures si effroyables que trois de ces Jésuites, qui avaient envoyé des multitudes à un martyre inutile, durent abjurer dans des souffrances intolérables. (8) Des femmes condamnées au bûcher y marchèrent leurs enfants dans leurs bras, plutôt que de prononcer les paroles qui les eussent sauvées avec leurs petits. Et cependant cette religion ne donna au Japon que des souffrances : — des désordres, des persécutions, des révoltes, des troubles poliliques et des guerres. Les vertus mêmes de ce peuple dirigées par une longue éducation dans le sens de la protection et la conservation de la société, — son abnégation, sa foi, sa loyauté, sa constance et son courage, — furent détournées, transformées par cette religion maligne en des forces qui tendaient à la destruction de cette société. Cette destruction était-elle possible ? Un nouvel empire catholique se serait fondé sur ses ruines. Il eût instauré et propagé la tyrannie cléricale, l’Inquisition ; livré combat, selon la tradition des Jésuites, à la liberté de conscience et au progrès humain. Plaignons les victimes de cette foi impitoyable et admirons leur courage inutile. Mais qui regrettera qu’ils n’aient pas gagné leur cause ? . . . Envisagé du point de vue social, l’effort des Jésuites pour convertir le Japon apparaît comme un crime de lèse-humanité, comme une œuvre de calamité non moins redoutable qu’une secousse sismique, un raz de marée, ou une éruption volcanique.

 

La politique d’isolement, — de fermeture du Japon au reste du monde, — adoptée par Hidétada et continuée par ses successeurs, montre à quel point les souverains japonais redoutèrent les intrigues religieuses. Non seulement tous les étrangers, sauf les négociants hollandais, furent expulsés du pays, mais tous les enfants métis de sang portugais ou espagnol furent exilés. Il fut interdit aux familles japonaises de les adopter, ou de leur donner asile ; et tous les membres de la famille étaient responsables d’une infraction à cette défense. En 1636, deux cent quatre-vingt-sept enfants métis furent embarqués pour Macao. On craignait sans doute particulièrement la facilité que les petits métis auraient à servir d’interprètes. Mais il est évident qu’une haine de race s’était éveillée dans la lutte religieuse. Après le siège de Shimabara, tous les étrangers occidentaux sans exception furent tenus en défiance. La factorerie anglaise était fermée depuis quelques années. Les négociants espagnols et portugais furent remplacés par des hollandais (9). Mais, même vis-à-vis de ceux-ci, on prit des précautions extraordinaires. Ils furent obligés d’abandonner leurs quartiers à Hirado, et de transporter leur comptoir à Deshima, une île minuscule de six cents pieds de long et de deux cent quarante pieds de large ! Ils y étaient placés sous une surveillance incessante comme des prisonniers ; ils n’avaient pas le droit de se mêler aux indigènes. Les Japonais ne pouvaient leur rendre visite sans autorisation, et aucune femme, sauf les prostituées, n’avait le droit de pénétrer dans l’espace qui leur était réservé. Cependant, ils avaient le monopole du commerce du pays. Et la patience hollandaise supporta cette condition pendant plus de deux cents ans. Tout autre commerce avec l’étranger, sauf avec les Chinois, fut complètement supprimé. Tout Japonais qui quittait le Japon commettait un crime capital. Et celui qui s’en échappait par ruse était, à son retour, mis à mort. La loi voulait ainsi empêcher les Japonais que les Jésuites avaient envoyés à l’étranger afin d’en faire des missionnaires de revenir au Japon sous un déguisement laïque. Il était aussi interdit de construire des bateaux capables d’entreprendre de longs voyages, — et tous les navires dont les dimensions excédaient les dimensions légales étaient démolis. On établit des belvédères le long des côtes, pour empêcher l’accostage des navires étrangers. Et toute embarcation européenne, sauf celle de la Compagnie Hollandaise, qui mouillait dans un port japonais, était saisie et détruite.

 

Ici s’imposent quelques remarques sur l’énorme succès remporté, tout d’abord, par les missions portugaises. Dans notre ignorance relative de l’histoire sociale du Japon, il n’est guère facile de se l’expliquer. Il existe bien des rapports des Jésuites. Mais les chroniques japonaises contemporaines ne nous fournissent que de rares renseignements. Cela tient sans doute à un édit du dix-septième siècle, qui interdisait tous les livres traitant du christianisme, et tous ceux contenant les mots : chrétiens et étrangers. Cependant, les œuvres jésuites n’expliquent pas, non plus que les auteurs japonais, comment une société fondée sur le culte des ancêtres, et possédant en apparence une immense faculté de résistance à toute influence extérieure, pût se laisser aussi vite pénétrer et dissoudre par l’énergie jésuite. J’aurais voulu par-dessus tout que le témoignage japonais répondît à la question suivante : À quel point les missionnaires ont-ils utilisé ou gêné le culte des ancêtres ? C’est une question fort importante. En Chine, les Jésuites s’étaient vite aperçus que leur propagande se heurtait précisément à ce culte. Ils essayèrent habilement de le tolérer un peu, comme le bouddhisme avait été forcé de le faire avant eux. Si la Papauté avait soutenu leur politique, les jésuites eussent peut-être changé l’histoire de la Chine. Mais d’autres ordres religieux s’opposèrent violemment à cette compromission. Comment cela se passa-t-il au Japon ? Le culte suprême ne fut naturellement pas touché, et cela pour des raisons évidentes, et il n’est guère probable que le culte domestique ait été alors attaqué aussi implacablement qu’il l’est de nos jours, à la fois par les missionnaires protestants et catholiques. Par exemple, il est difficile de supposer que les convertis étaient obligés de détruire leurs tablettes ancestrales. Du reste beaucoup de convertis étaient de pauvres gens qui n’avaient ni tablettes, ni culte des ancêtres. Mais quelles que fussent les méthodes employées, les premiers succès remportés par les missions sont surprenants. Elles s’adressèrent tout naturellement pour commencer aux classes supérieures : le vassal ne pouvait changer de religion qu’avec la permission de son seigneur. Dès le début, cette permission fut librement accordée, quelquefois par une notification officielle. D’autres fois, des seigneurs convertis ordonnaient qu’on les imitât. La foi étrangère fut prise au début pour une forme nouvelle du bouddhisme. Le texte officiel qui concédait à la mission portugaise, en 1552, certains territoires à Yamaguchi affirme nettement que cette concession (qui semble avoir compris un temple appelé Daidôji) était accordée aux étrangers pour leur permettre de prêcher « la Loi du Bouddha » — Buppô shôryô no tamé. Le document original a été traduit ainsi par Sir Ernest Salow, qui le reproduisit en fac-similé : —

« Quant à ce qui est de Daidôji, à Yamaguchi Agata, dans le département de Yoshiki, de la province de Suwô. Cet acte atteste que j’ai permis aux prêtres qui sont venus dans ce pays des contrées occidentales, suivant leur demande et leur désir, de fonder et d’ériger un monastère et une maison afin de propager la Loi du Bouddha.
« Le 28e jour du 8e mois, de la 2e année de Tembun.
« Suwô no Suké.
« [Frappé du sceau auguste] ” (10)

Si cette confusion [ou tromperie ?] a pu se produire à Yamaguchi, il est probable qu’elle se produisit ailleurs. Extérieurement, les rites romains ressemblaient à ceux du bouddhisme populaire. Les offices, les vêtements sacerdotaux, les rosaires, les agenouillements, les cloches, l’encens, tout cela était familier au peuple japonais. Les vierges et les saints ressemblaient aux Boddhisattwas et aux Bouddhas auréolés : les anges et les démons aux Tenin et aux Oni. Tout ce qui plaisait à l’imagination populaire dans le cérémonial bouddhiste se retrouvait, sous une forme légèrement différente, dans les temples qui avaient été donnés aux Jésuites, et qu’ils avaient consacrés comme églises ou chapelles. Le populaire ne pouvait distinguer quel abîme séparait en réalité les deux fois. Mais il saisit immédiatement les quelques analogies apparentes. De plus, la religion étrangère présentait certaines nouveautés fort attrayantes. Par exemple, les Jésuites avaient fait représenter des scènes de miracles sur les murs de leurs églises. Et le peuple les considérait avec émerveillement. . . . Mais ces ressemblances extérieures avec le bouddhisme, ou ces séductions nouvelles qui contribuaient assurément à répandre la religion nouvelle, n’expliquent pas la prodigieuse rapidité des progrès qu’elle réalisa.

On peut chercher cette explication dans la pression exercée par les daimyôs convertis sur leurs vassaux. Les populations entières de certaines provinces y obéirent. Et des centaines, peut-être même des milliers de personnes suivirent sans doute par pure habitude du loyalisme. Mais comment les Jésuites persuadèrent-ils les daimyôs ? Les missionnaires tirèrent grand profit de l’aide que leur apportait le commerce portugais, — et surtout celui des armes à feu et des munitions. Pendant la période troublée qui précéda au Japon l’avènement de Hidéyoshi, ce commerce se mêla aux négociations religieuses avec les seigneurs provinciaux, comme un argument puissant. Les daimyôs qu’on initiait à l’usage des armes à feu prenaient nécessairement un avantage considérable sur leurs rivaux, et les seigneurs qui obtenaient le monopole de ce commerce augmentèrent leur puissance aux dépens de leurs voisins. Ce monopole, les Jésuites le concédaient en échange du privilège de prêcher, et parfois même ils demandaient et obtenaient beaucoup plus que ce privilège-là. En 1571, les Portugais eurent l’audace de demander toute la ville de Nagasaki ; ils menacèrent, si on la leur refusait, de s’établir ailleurs. Le daimyô Ômura commença par se récrier, puis céda. Et Nagasaki devint un territoire chrétien, directement gouverné par l’Église. Mais bientôt les Pères laissèrent paraître le véritable caractère de leur croyance en livrant de furieux assauts à la religion locale. Ils incendièrent le grand temple bouddhiste, Jinguji, et attribuèrent ce désastre au « courroux de Dieu ». Quatre-vingts autres temples furent brûlés, par le zèle de leurs néophytes. Le bouddhisme fut absolument interdit sur le territoire de Nagasaki, — et ses prêtres furent persécutés et chassés. Dans la province de Bungo, la persécution jésuite fut encore plus violente et plus complète. Ôtomo Sôrin Munéchika, le daimyô, détruisit non seulement tous les temples bouddhistes de sa juridiction (il y en avait, dit-on, trois mille, mais il fit mettre à mort beaucoup de prêtres bouddhistes. Il paraît qu’il choisit malignement le sixième jour du cinquième mois (1576), — l’Anniversaire de la Naissance du Bouddha ! — pour détruire le grand temple de Hikôzan, dont les prêtres furent accusés d’avoir demandé sa mort dans leurs prières.

La pression des seigneurs sur un peuple docile, habitué à l’obéissance la plus absolue, expliquerait donc les premiers succès des missions. Mais elle n’explique pas, par la suite, les succès de propagande secrète, la ferveur et le courage des convertis persécutés, la longue indifférence des chefs du culte des ancêtres vis-à-vis de la religion ennemie. Lorsque le christianisme pénétra d’abord dans l’Empire romain, le culte ancestral y était en pleine décadence, l’organisation de la société avait perdu sa forme primitive, et il n’y avait pas de force religieuse capable de résister avec succès. Mais dans le Japon du XVIe et du XVIIe siècle, la religion des ancêtres était très vivante, et la société entrait à peine dans la seconde phase de son intégration encore imparfaite. Les conversions des jésuites ne se produisirent pas dans une société en train de perdre sa foi ancienne, mais dans une des sociétés le plus religieuses et conservatrices qui aient jamais existé. Le christianisme ne pouvait entrer dans une telle société sans la détruire au moins en partie, sans y amener des désintégrations locales, que nous ne sommes du reste pas en mesure d’apprécier. Ce qui est certain, c’est que cette société ne réagit pas, et la longue inertie de l’instinct religieux national en face du danger demeure inexplicable.

Pourtant certains faits historiques viennent nous apporter quelques lueurs. À l’origine, la politique jésuite en Chine, comme l’a établi Ricci, laissait les convertis libres de pratiquer les rites ancestraux. Tant qu’elles suivirent cette politique, les missions prospérèrent. Lorsque des dissensions éclatèrent au sujet même de cette compromission, l’affaire fut portée à Rome. Le pape Innocent X se prononça pour l’intolérance dans une bulle datée de 1645. Et cela ruina les missions jésuites en Chine. Il est vrai que la décision du pape Innocent fut révoquée l’année suivante par le pape Alexandre VIII ; mais les discussions ne cessèrent pas jusqu’à ce qu’en 1663 le pape Clément XI interdît définitivement aux convertis de pratiquer les rites ancestraux, sous quelque forme que ce fût. . . . Depuis lors, tous les efforts des missions dans l’Extrême-Orient n’ont plus fait avancer d’un pas le Christianisme, et l’on voit aisément pourquoi.

Nous avons donc vu que jusqu'en 1645, le culte des ancêtres a été toléré par les Jésuites en Chine, avec des résultats prometteurs ; il est probable qu’au Japon les Jésuites avaient suivi la même politique de tolérance par quoi ils avaient commencé en Chine. Les missions japonaises parurent en 1549, et leur histoire se termine en 1638 par le massacre de Shimabara, — sept ans avant la première décision papale interdisant le culte des ancêtres. Elles progressèrent d’une façon continue, malgré toutes les oppositions, jusquà l’intervention de certains zélotes moins prudents et plus intransigeants. En 1585, une bulle de Grégoire XIII, confirmée en 1600 par Clément III, donnait aux seuls Jésuites le privilège des missions japonaises. Et ce fut seulement lorsque le zèle des Franciscains méconnut ce privilège que commencèrent les désaccords avec le gouvernement japonais. En 1608, Paul V publiait une bulle qui permettait aux catholiques romains de tous les ordres possibles de concourir à la conversion du Japon : ce fut la ruine de l’œuvre des Jésuites. Dès lors les Dominicains et les Franciscains se mêlèrent fort imprudemment d’affaires que les Jésuites avaient eu la sagesse d’ignorer, et leur intervention précipita la fin inévitable des missions.

On peut douter, et avec raison, s’il existait un million de chrétiens au Japon au début du dix-septième siècle ; il est plus probable qu’ils étaient environ six cent mille. Dans l’ère de tolérance qui suivit, les efforts combinés de tous les missionnaires étrangers, et les sommes considérables qu’ils dépensèrent annuellement augmentèrent à peine ce chiffre d’un cinquième. Et pourtant les missionnaires modernes jouissent d’avantages financiers, législatifs et éducatifs plus efficaces que les moyens dont usaient leurs devanciers. Mais la médiocrité de leurs succès s’explique toujours par la même raison. Ils s’attaquent au culte des ancêtres, le fondement même de la société japonaise. Et celle-ci résiste d’instinct. À ce point de vue moral et religieux, le Japon est loin d’être arrivé là où en était Rome au deuxième ou troisième siècle de l’ère chrétienne. Il ressemble à la société grecque ou latine d’avant notre ère. L’importation des voies ferrées, du télégraphe, des armes de précision modernes, de la science appliquée, n’a pas encore suffi pour changer l’ordre fondamental des choses. Des désintégrations superficielles se font rapidement. De nouvelles organisations se forment. Mais la condition sociale ressemble encore beaucoup à celle qui, dans l’Europe septentrionale, précéda de longtemps l’avènement du christianisme.

 

Bien que toutes les religions contiennent un peu de la vérité immortelle, l’évolutionniste doit les classifier. II considère une foi monothéiste comme un progrès de la pensée humaine, comme un progrès très considérable sur le polythéisme ; le panthéisme surtout est un progrès sur le monothéisme ; enfin l’agnosticisme réalise sur l’un et l’autre un nouveau progrès. Mais la valeur d’une croyance est nécessairement relative : et elle s’évalue non sur sa facilité d’adaptation à une classe cultivée, mais sur ses dons d’émouvoir une société entière dont elle synthétise les besoins moraux. Et sa valeur vis-à-vis de toute autre société dépend de sa puissance d’adaptation à l’expérience de cette société. Nous pouvons admettre que le catholicisme romain était, par la seule vertu de sa conception monothéiste, en avance sur le culte primitif des ancêtres. Mais il ne pouvait s’adapter qu’à une forme de société à laquelle ni la civilisation chinoise ni la civilisation japonaise n’étaient encore parvenues, — une forme de société où l’ancienne famille avait été dissoute, et où la religion de la piété filiale était oubliée. Contrairement à la croyance hindoue, infiniment plus subtile et plus humaine, qui avait appris, mille années avant Loyola, le secret du succès des missions, la religion jésuite n’aurait jamais pu s’adapter aux conditions sociales du Japon. Le sort des missions était donc décidé d’avance. L’intolérance, les intrigues, les persécutions, toutes les traîtrises et les cruautés des Jésuites sont les manifestations mêmes de cette inaptitude. Et les mesures de répression prises par Iyéyasu et ses successeurs n’étaient que la défense nationale contre un danger suprême. On avait compris que le triomphe de la religion étrangère entraînerait la dissolution complète de la société, et ferait passer l’Empire sous une domination étrangère.

 

Ni l’artiste ni le sociologue ne regretteront l’insuccès des missions. Cet insuccès laissa la société japonaise évoluer jusqu’aux extrêmes limites de son type, et conserva pour notre plus grande joie la merveille du monde japonais, de ses traditions, de ses coutumes et de ses croyances. Le Catholicisme triomphant aurait anéanti tout cela. L’hostilité naturelle que l’artiste ressent pour le missionnaire vient de ce que ce dernier est toujours et sera toujours un destructeur impitoyable. Partout l’évolution de l’art s’associe à une religion. Et comme l’art d’un peuple reflète ses croyances, il sera honni des ennemis de ces croyances. L’art japonais, d’origine bouddhiste, est surtout un art d’inspiration religieuse — non seulement dans la peinture et la sculpture, mais aussi dans les arts décoratifs et dans presque toutes les productions esthétiques. Un sentiment religieux se mêle à la joie que les Japonais goûtent dans les arbres, les fleurs, le charme des jardins, l’amour de la nature, — en somme dans toute la poésie de l’existence. Les Jésuites eussent sûrement aboli tout cela, jusque dans les moindres détails, et sans une hésitation. Et même s’il leur eût été donné de comprendre et de sentir la beauté étrange de ce monde, de cette race unique qui ne sera point remplacée, ils n’eussent pas renoncé à leur œuvre. Aujourd’hui, il est vrai, l’industrialisme occidental détruit peu à peu, mais sûrement, ce merveilleux monde d’art. Mais la conquête industrielle, quoique impitoyable, n’est pas fanatique. Et la destruction ne se poursuit pas avec une rapidité si féroce que l’histoire de cette beauté qui s’efface ne puisse être notée et conservée pour le bien futur de la civilisation humaine.


NOTES :

(1) Saint François Xavier

(2) Bateren, corruption du padre portugais. Terme encore employé au Japon pour désigner tous les prêtres catholiques romains.

(3) La proclamation entière, qui est de longueur considérable, a été traduite par Satow, et peut être trouvée dans les Transactions of the Asiatic Society of Japan, Vol. VI, Part I.

(4) « Chaque jour davantage les Portugais excitaient les juges et le peuple contre nous. Et deux de nos hommes, par traîtrise, se mirent au service du roi [daimyô], prenant fait et cause pour les Portugais, qui leur garantissaient la vie sauve. L'un s’appelait Gilbert de Conning, dont la mère habitait Middleborough, qui se fit passer pour le marchand de tous les biens que transportaient les navires. L’autre s’appelait Iobn Abelson Van Owater. Ces traîtres cherchèrent par tous les moyens à se rendre maîtres des marchandises, et firent connaître à tous des choses survenues pendant notre voyage. Neuf jours après notre arrivée, le grand roi du pays [Iyéyasu] m’envoya chercher. » — Lettre de Will Adams à sa femme.

(5) « Il a plu à Dieu de faire changer les choses, au point que cela puisse sembler étrange aux yeux du monde ; car les Espagnols et les Portugais avaient été mes ennemis à mort ; et maintenant ils doivent me rechercher, moi l’indigne misérable ; car les Espagnols et les Portugais doivent faire passer tout leur commerce par mes mains. —  » Lettre d’Adams datée du 12 janvier 1613.

(6) Même des faveurs à des gens qui avaient cherché à le faire mourir. « Je lui plaisais tant, écrivit Adams, qu’il ne s’opposait pas à ce que je disais. Ce qui surprit mes anciens ennemis ; et à ce moment ils me supplièrent de lier amitié avec eux, ce que je fis tant avec les Espagnols qu’avec les Portugais, les récompensant de leur mal par le bien. Ainsi, de passer mon temps à gagner ma vie, il m’en aura coûté d’abord un grand travail et beaucoup d’ennuis, mais Dieu a béni mon travail. »

(7) Il faut se rappeler qu’aucun de ces édits n’était dirigé contre les protestants. Ni les Hollandais ni les Anglais n’étaient considérés comme chrétiens au sens de ces édits. L’extrait suivant d’un Kumichô ou code de règlements communaux, montre la responsabilité imposée à toutes les communautés par rapport à la présence chez eux de convertis, ou de croyants de la religion catholique : —

« Chaque année, entre le premier et le troisième mois, nous renouvellerons notre Shumonchô. Si nous connaissons aucune personne appartenant à une secte prohibée nous en informerons le Daikwan. Les domestiques et les laboureurs remettront à leurs maîtres un certificat affirmant qu’ils ne sont pas chrétiens. » — Voir les Notes on Land-Tenure and Local Institutions in Old Japan du Professeur Wigmore.

(8) Francesco Cassola, Pedro Marquez, et Guiseppe Chiara. Deux d’entre eux épousèrent des Japonaises ; probablement y furent-ils contraints. Pour leur histoire postérieure, voir une note de Satow, dans les Transactions of the Asiatic Society of Japan, Vol. VI, Part I.

(9) Pourtant les négociants chinois jouissaient d'une beaucoup plus grande liberté que les Hollandais.

(10) Dans les traductions latines et portugaises de ce document on ne fait aucune allusion à la Loi du Bouddha ; et il s’y trouve plusieurs additions qui ne figurent pas dans le texte japonais. Voir les Transactions of the Asiatic Society of Japan (Vol. VIII, Part II) pour les commentaires de Satow sur ce document et les fausses traductions qui en ont été faites.


happy   dans   Nippon    Mercredi 14 Juillet 2010, 23:03

 




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