Hospitalité
« Toute traduction part d’une résonance et aboutit à une fiction. Cet acte d’amour est un tour de main » ...
« Traduire, c’est en tant que maître de maison accueillir l’hôte et le traiter avec respect ; c’est lui ouvrir tout grand notre demeure pour qu’il ne s’y sente pas à l’étroit, qu’il y respire à l’aise. Reconnaissant de lui témoigner des marques d’estime, de n’être plus considéré comme un étranger, il livrera son cœur.
Toute traduction véritable repose sur de telles règles de civilité. Plus tu montreras de la douceur, seras poli avec ton invité, moins celui-ci souffrira du dépaysement. Qui sait si tu ne reçois pas un parent éloigné ? Ce dernier est heureux de renouer des liens que le temps a détachés.
Apprends à converser avec lui jusqu’au silence, tu t’apercevras qu’en ce silence vos deux paroles se joignent. Ne le force pas à dire ce qu’il ne pense pas, ce qu’il ne peut penser, cette pensée lui étant trop lointaine. La moindre des choses étant de l’écouter, le plus bel honneur que tu puisses lui faire sera de lui faire les honneurs de ta langue ; à cet effet, entends ta voix, c’est en elle qu’il s’entendra ; ne la trahis pas, elle lui est nécessaire.
Souviens-toi que ta liberté est celle du contrebandier ; sinon, tu ressembleras à un obscur convoyeur au service des douanes. Rejette tout ce qui est officiel. »
Jean-François Rollin, « Tchouang Tseu (Zhuang Zi), Les tablettes intérieures », Séguier, 1988.
Maternité
Carl Gustav Jung, à propos de Richard Wilhelm, traducteur du Yi King :
« Le spécialiste est en général un esprit purement masculin, un intellect pour qui la fécondation est un phénomène étranger et contre nature ; c’est pourquoi il constitue un instrument particulièrement impropre à accueillir et à mettre au monde un esprit étranger.
Mais le grand esprit porte la marque du féminin ; il lui est donné un sein qui conçoit et enfante, un sein capable de modeler un corps étranger en une forme particulière. Wilhelm possédait au suprême degré le charisme de la maternité spirituelle. Il lui dut la pénétration intuitive jamais atteinte qui lui permit d’entrer dans l’esprit de l’Orient et le rendit apte à produire ses incomparables traductions ».
Étienne Perrot, « Yi King, Le livre des transformations », Librairie de Médicis, 1973.
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