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hétéroclite, écoute le temps, la tête dans les étoiles, les pieds par dessus

 

 




210 A Yokohama
Lafcadio Hearn

Source : Internet Archive : Universal Access to all Knowledge
Traduction sur la base de celle faite en 1911 par Marc Logé, disponible à la Gallica BNF).


Lafcadio Hearn (Koizumi Yakumo 小泉八雲)
(1850-1904)

La Lumière Vient de l’Orient (1895)
(Out of the East)

X.   À Yokohama

 

Un vraiment beau spectacle s’est offert à nous aujourd’hui, — une belle aube, — un beau lever ; — car nous avons vu le Parfaitement Illuminé, qui a traversé le ruisseau. — Hemavatasutta.

 

I

LE JIZÔ-DÔ (P1) ne fut pas facile à trouver, caché qu’il est dans une cour derrière une rue de petites boutiques ; ni l’entrée de la cour elle-même, — une ouverture très étroite entre deux maisons, — voilée à chaque bouffée de vent par l’enseigne en draperie flottante d’un marchand d’habits de seconde main.

À cause de la chaleur, les shôji du petit temple avaient été enlevés, laissant le sanctuaire ouvert aux regards sur trois de ses faces. Je reconnus les objets habituels au culte bouddhiste — une sonnette pour les services, un lutrin, le mokugyô (P1) en laque cramoisie, disposés sur les nattes jaunes. L’autel supportait un Jizô en pierre, portant une bavette par égard pour les fantômes des enfants ; et, au-dessus de la statue, sur une longue étagère, il y avait des images plus petites, dorées et peintes, — un autre Jizô, auréolé de la tête aux pieds, un Amida radieux, une Kwannon au doux visage, et une effrayante figure du Juge des Âmes. Plus haut encore étaient suspendues une multitude confuse d’offrandes votives, y compris deux gravures encadrées, tirées d’illustrés américains : une vue de l’Exposition de Philadelphie, et un portrait d’Adélaïde Neilson dans le rôle de Juliette. Au lieu des vases à fleurs habituels, il y avait devant le honzon des bocaux en verre portant l’inscription, — « Reine-Claude au jus ; conservation garantie. Toussaint Cosnard, Bordeaux. » Et la boîte remplie de bâtons d’encens portait la légende : « Rich in flavor — Pinhead Cigarettes. » Pour les petites gens naïves qui les avaient offerts, et qui ne pourraient jamais espérer en ce monde faire des dons plus coûteux, ces ex-voto semblaient magnifiques à cause de leur étrangeté ; et malgré ces incongruités je trouvai le petit temple vraiment joli.

Un écran, orné de bizarres silhouettes d’Arhats créant des dragons, masquait la pièce voisine ; et la chant d’un uguisu (P3) invisible adoucissait le silence du lieu. Un chat rouge surgit de l’écran pour nous voir, puis il se retira comme s’il allait porter un message. Peu après apparut une nonne très âgée, qui nous souhaita la bienvenue et nous pria d’entrer ; sa tête soigneusement rasée luisait comme une lune à chacune de ses révérences. Nous ôtames nos chaussures, et la suivîmes par delà l’écran, dans une petite pièce qui s’ouvrait sur un jardin ; et nous vîmes le vieux prêtre assis sur un coussin, qui écrivait à une table très basse. Il posa son pinceau pour nous accueillir ; et nous prîmes place nous aussi sur des coussins posés devant lui. Son visage était très agréable à regarder : toutes les rides qu’y avait inscrites le reflux de la vie témoignaient de sa bonté.

La nonne nous apporta du thé et des sucreries qui toutes étaient estampées de la Roue de la Loi ; (P4) le chat rouge s’installa en rond à côté de moi ; et le prêtre nous parla. Sa voix était profonde et douce ; elle résonnait comme le bronze, de ces riches harmonies qui prolongent chaque tintement de la cloche des temples. Nous le persuadâmes gentiment de nous parler de lui. Il avait quatre-vingt-huit ans, et sa vue et son ouïe étaient encore celles d’un jeune homme ; mais il ne pouvait marcher à cause d’un rhumatisme chronique. Depuis vingt ans il était occupé à écrire une histoire religieuse du Japon, qui serait complète en trois cents volumes ; et il en avait déjà achevé deux cent trente. Le reste, il espérait le terminer au cours de l’année qui venait. Je vis derrière lui, sur une petite étagère, une rangée imposante de manuscrits joliment reliés.

— Mais le plan de son travail, me dit mon étudiant interprète, est absolument erroné. Son histoire ne sera jamais publiée ; elle est pleine de légendes invraisemblables — des miracles et des contes de fées.

(Je songeai que j’aimerais bien lire ces légendes.)

— Pour un homme parvenu à votre grand âge, dis-je au prêtre, vous paraissez très vigoureux.

— Les présages disent que je vivrai encore quelques années, répondit le vieil homme, pourtant je ne désire vivre que le temps nécessaire pour compléter mon histoire. Ensuite, comme je suis impotent et que je ne puis me déplacer, je souhaite mourir afin de recevoir un corps nouveau. Je présume que j’ai dû commettre quelque faute dans une existence antérieure pour être infirme comme je le suis. Mais je suis heureux de sentir que j’approche de la Côte.

— Il veut dire la Côte qui borne la Mer de la Mort et de la Naissance, (P5) m’expliqua mon interprète. La barque dans laquelle nous faisons la traversée, vous le savez, est la Barque de la Bonne Loi ; (P6) et la rive opposée est Nehan, — le Nirvâna.

— Est-ce que tous nos malheurs et toutes nos faiblesses physiques, demandai-je, sont les résultats d’erreurs commises lors d’autres naissances ?

— Ce que nous sommes, répondit le vieil homme, est la conséquence de ce que nous avons été. Ici au Japon, nous disons la conséquence de mangô et ingô, — les deux espèces d’actions.

— Le Bien et le Mal ? interrogeai-je.

— Le supérieur et l’inférieur. Il n’y a pas d’actions parfaites. Chaque acte contient à la fois du mérite et du démérite, de même que le meilleur tableau contient des défauts et des beautés. Mais quand la somme du bien dans chaque action dépasse la somme du mal, tout comme dans un bon tableau les mérites surpassent les défauts, alors le résultat est un progrès. Et, peu à peu, par de pareils progrès, tout le mal sera éliminé.

— Mais comment, demandai-je, le résultat de nos actions peut-il influencer nos états physiques ? L’enfant suit la voie de ses pères, il hérite de leur force ou de leur faiblesse ; pourtant ce n’est pas d’eux qu’il tient son âme.

— La chaîne des causes et des effets n’est guère facile à expliquer en peu de mots. Pour tout comprendre vous devriez étudier le Dai-jô, ou Plus grand véhicule ; et aussi le Sho-jô, (P7) ou Plus petit véhicule. Vous y apprendrez ceci que le monde lui-même n’existe qu’à cause des actes. De même que celui qui apprend à écrire n’écrit d’abord qu’avec une grande difficulté, mais devenant ensuite plus habile il arrive à écrire sans aucun effort, de même la tendance des actes continuellement répétés est de former l’habitude. Et de pareilles tendances persistent bien au delà de cette vie.

— L’homme peut-il acquérir la faculté de se souvenir de ses naissances antérieures ?

— Cela est très rare, me répondit le vieil homme, hochant la tête. Pour avoir pareille mémoire l’on devrait d’abord devenir un Bosatsu [Bodhisattva]. (P8)

— N’est-il pas possible de devenir un Bosatsu ?

— Pas dans cette ère-ci. C’est la Période de la Corruption. Il y eut d’abord la Période de la Vraie Doctrine, quand la vie était longue ; puis vint la Période des Images, pendant laquelle les hommes délaissèrent la vérité la plus élevée ; et maintenant le monde est dégénéré. Il n’est plus aujourd’hui possible par de bonnes actions de devenir un Bouddha, parce que le monde est trop corrompu et la vie trop courte. Mais des personnes pieuses peuvent atteindre au Gokuraku [Paradis], en vertu de leurs mérites, et en répétant constamment le Nembutsu ; (P9) et dans le Gokuraku elles pourront peut-être pratiquer la vraie doctrine. Car les jours y sont plus longs, et la vie y est aussi très longue.

— J’ai lu dans nos traductions des Sûtras, dis-je, qu’en vertu des bonnes actions les hommes peuvent renaître successivement dans des conditions de plus en plus heureuses, obtenant chaque fois des facultés plus parfaites, et entourés chaque fois de joies plus élevées. On y parle de richesse, et de force, et de beauté, et de femmes gracieuses, et de tout ce que les gens désirent dans ce monde temporaire. C’est pourquoi je ne puis m’empêcher de penser que le chemin du progrès doit continuellement devenir de plus en plus difficile à mesure qu’on y avance. Car si ces textes sont exacts, plus on réussit à se détacher des choses des sens, plus puissantes deviennent les tentations d’y retourner. De telle sorte que la récompense de la vertu semblerait être elle-même un obstacle sur le chemin.

— Non pas, répondit le vieil homme. Ceux qui, grâce à la maîtrise de soi, parviennent à de telles conditions de bonheur temporaire, ont acquis également la force spirituelle, et quelque connaissance de la vérité. Leur force de se dominer eux-mêmes augmente de plus en plus avec chaque triomphe, jusqu’à ce qu’ils atteignent enfin ce monde de la Naissance apparitionnelle (P10) où les formes inférieures de la tentation n’ont pas d’existence.

Le chat rouge remua, inquiet pour un bruit de geta, puis il alla vers l’entrée, suivi de la nonne. Quelques visiteurs attendaient ; et le prêtre nous pria de l’excuser un instant, afin qu’il pût s’occuper de leurs besoins spirituels. Nous leur fîmes aussitôt place, et ils entrèrent, — de pauvres paysans qui nous saluèrent gentiment : une mère en deuil, qui désirait que des prières fussent dites pour le bonheur du petit garçon qu’elle avait perdu ; une jeune femme qui sollicitait la pitié de Bouddha pour son mari souffrant ; un père et sa fille qui venaient implorer l’aide divine pour une personne partie au loin. Le prêtre leur parla à tous d’une façon caressante, en donnant à la mère quelques petites images représentant Jizô, en donnant un papier fait de riz béni à l’épouse, et en préparant pour le père et sa fille quelques textes sacrés. Et sans le vouloir il me vint la pensée des innombrables prières naïves faites ainsi chaque jour en d’innombrables temples ; la pensée de toutes les craintes, tous les espoirs, toutes les peines de cœur de l’amour simple ; la pensée de tous les humbles chagrins que nul n’entend, sauf les dieux. L’étudiant se mit à examiner les livres du vieil homme, et je me mis à penser à l’impensable.

 

La Vie, — la vie en tant qu’unité, non créée, sans commencement, — dont nous ne connaissons que les ombres lumineuses ; — la vie, luttant éternellement contre la mort, et qui toujours vaincue cependant toujours survit — qu’est-ce ? — pourquoi est-ce ? Une myriade de fois l’univers se dissipe, — une myriade de fois il se développe de nouveau ; et la même vie disparaît à chaque disparition, seulement pour reparaître dans un autre cycle. Le Cosmos devient une nébuleuse, la nébuleuse un Cosmos : éternellement les essaims des soleils et des mondes naissent ; éternellement ils meurent. Mais après chaque immense intégration, les sphères flamboyantes se refroidissent et en mûrissant deviennent vie ; et la vie mûrissant devient Pensée. Le fantôme en chacun de nous a dû passer par l’embrasement d’un million de soleils, — il doit survivre à l’effrayante disparition d’innombrables univers futurs. La Mémoire ne peut-elle aussi survivre de quelque façon et en quelque lieu ? Sommes-nous bien certains que de façons et sous des formes inconnues elle ne survit pas ? comme une vision infinie, — souvenir de l’Avenir dans le Passé ? Peut-être que dans la Nuit-sans-fin, comme dans les profondeurs du Nirvâna, les rêves de tout ce qui a jamais été, de tout ce qui peut jamais être, sont perpétuellement rêvés.

 

Les paroissiens prononcèrent leurs remerciements, firent leurs petites offrandes à Jizô, et se retirèrent en nous saluant. Nous regagnâmes nos places à côté du petit écritoire, et le vieil homme nous dit :

— C’est peut-être le prêtre qui, de tous les hommes, connaît le mieux quelle douleur existe par le monde. J’ai ouï dire que dans les pays de l’Occident il y a aussi beaucoup de souffrance, bien que les nations occidentales soient très riches.

— Oui, répondis-je ; et je crois que dans les pays occidentaux il y a encore plus de malheur qu’au Japon. Pour les riches il y a de plus nombreux plaisirs, mais pour les pauvres de plus profondes douleurs. Notre vie est bien plus difficile à vivre ; et, peut-être est-ce pour cette raison que nos pensées sont plus troublées par le mystère du monde.

Le prêtre parut intéressé, mais il ne dit rien. Avec l’aide de mon interprète, je repris :

— Il y a trois grandes questions qui tourmentent perpétuellement les esprits de beaucoup de personnes en Occident. Ces questions, nous les appelons « D’où, Vers où, et Pourquoi », c’est-à-dire, D’où vient la vie ? Où va-t-elle ? Pourquoi existe-t-elle et souffre-t-elle ? Notre science occidentale la plus élevée déclare que ces questions sont des énigmes insolubles, mais confesse, en même temps, que le cœur de l’homme ne trouvera nulle paix tant qu’elles ne seront pas résolues. Toutes les religions ont tenté des explications ; toutes leurs explications sont différentes. J’ai cherché dans les livres bouddhistes des réponses à ces questions, et j’y ai trouvé des réponses qui me parurent meilleures qu’aucune des autres. Elles ne me satisfirent toujours pas, étant incomplètes. J’espère obtenir de vos lèvres quelques réponses au moins à la première et à la dernière question. Je ne demande pas de preuves ni d’arguments d’aucune sorte ; je demande seulement à connaître la doctrine. Le commencement de toutes choses était-il dans l’Esprit universel ?

Je ne m’attendais pas à recevoir de réponse claire et nette à cette question, ayant lu, dans le Sûtra appelé Sabbâsava, des passages concernant « ces choses qui ne devraient pas être considérées », et les Six notions absurdes, et les paroles de réprimande adressées à ceux qui débattent en eux-mêmes : « Ceci est un être : d’où est-il venu ? vers où ira-t-il ? » Mais la réponse m’arriva, mesurée et musicale, comme un chant :

— Toutes choses considérées comme individuelles sont venues à l’existence, à travers d’innombrables formes de développement et de reproduction, en sortant de l’Esprit universel. Potentiellement, dans cet esprit, elles avaient existé depuis l’éternité. Mais, entre ce que nous appelons Esprit, et ce que nous dénommons Substance, il n’y a pas de différence d’essence. Ce que nous nommons Substance est seulement la somme de nos propres sensations et perceptions ; et celles-ci ne sont elles-mêmes que des phénomènes de l’Esprit. De la Substance-en-elle-même nous n’avons aucune connaissance. Nous ne savons rien en dehors des phases de notre esprit, et ces phases sont produites en lui par des influences et des forces extérieures, auxquelles nous donnons le nom de Substance. Mais la Substance et l’Esprit ne sont en eux-mêmes que deux phases d’une Entité infinie.

— Il y a également des maîtres en Occident, dis-je, qui professent cette doctrine ; et les recherches les plus profondes de notre science moderne semblent démontrer que ce que nous dénommons Matière n’a pas d’existence absolue. Mais, au sujet de cette Entité infinie dont vous parlez, y a-t-il aucun enseignement bouddhiste expliquant quand, et comment, Elle produisit pour la première fois ces deux formes que nous distinguons encore nommément comme Esprit et Substance ?

— Le Bouddhisme, répondit le vieux prêtre, n’enseigne pas, ainsi que le font les autres religions, que les choses ont été produites par création. La seule et unique Réalité est l’Esprit universel, appelé en japonais Shinnyo, (1) — la Réalité-en-son-propre-soi, infinie et éternelle. Or, cet Esprit infini en Soi-même découvrit Ses propres facultés de sentir. Et, ainsi que celui qui, dans une hallucination, prend des apparitions pour des réalités, ainsi l’Entité universelle prit pour des existences externes ce qu’elle ne voyait qu’en Elle-même. Nous appelons cette illusion Mu-myo, (2) ce qui signifie « sans éclat » ou « dénué d’illumination ».

— Certains savants occidentaux, observai-je, ont traduit ce mot par « Ignorance ».

— On me l’a dit. Mais l’idée transmise par le mot que nous employons n’est pas l’idée exprimée par le mot « Ignorance ». C’est plutôt l’idée d’illumination mal orientée, ou d’illusion.

— Et qu’est-ce qui a été enseigné, demandai-je, au sujet de l’époque où existait cette illusion ?

— Le temps de l’illusion primitive est dit Mu-shi, « en-deçà du commencement », dans le passé incalculable. De Shinnyo émana la première distinction du Moi et du Non-Moi, d’où sont venues toutes les existences individuelles, — que ce soit de l’Esprit, ou de la Substance, — et, pareillement tous ces désirs et ces passions qui influencent les conditions de l’être à travers d’innombrables naissances. Ainsi l’Univers est l’émanation de l’Entité infinie ; cependant on ne peut pas dire que nous sommes les créations de cette Entité. Le Moi originel de chacun de nous est l’Esprit universel ; et en chacun de nous existe le Moi universel, en même temps que les effets de l’illusion primitive. Et cet état du Moi originel enveloppé dans les résultats de l’illusion, nous l’appelons Nyôrai-zô » (3), ou la Matrice de Bouddha. La fin vers laquelle nous devons diriger tous nos efforts est simplement notre retour vers le Moi Originel infini, — qui est l’essence du Bouddha.

— Il est un autre sujet de doutes, dis-je, à propos duquel je désire beaucoup connaître l’enseignement du Bouddhisme. Notre science occidentale affirme que l’Univers visible a été successivement élaboré et dissous d’innombrables fois durant le passé infini, et qu’il devra aussi disparaître et reparaître au cours de cycles incalculables dans l’avenir infini. Dans nos traductions de l’ancienne philosophie de l’Inde, et des textes sacrés des Bouddhistes, cette même chose est affirmée. Mais n’enseigne-t-on pas également qu’il viendra enfin pour toutes choses le temps de l’ultime disparition et du repos éternel ?

Il répondit : — Le Shô-jô, enseigne effectivement que l’Univers n’a cessé d’apparaître et de disparaître, un nombre de fois incalculable dans le passé, et qu’il continuera à se dissoudre et se reformer alternativement pendant d’inimaginables éternités à venir. Mais on nous apprend aussi que toutes choses entreront finalement et pour toujours dans l’état de Nehan. (4)

Il me vint soudain une idée irrévérencieuse mais irrépressible. Je ne pus m’empêcher de me figurer ce Repos Absolu tel que l’exprime la formule scientifique de deux cent soixante-quatorze degrés (centigrade) au-dessous de zéro, ou 525°.2 Fahrenheit. Mais je dis seulement :

— Pour l’esprit occidental il est difficile de concevoir le repos absolu comme une condition de félicité. L’idée bouddhiste de Nehan inclut-elle l’idée de tranquillité infinie, d’immobilité universelle ?

— Non, répondit le prêtre. Nehan est la condition d’Autosuffisance absolue, l’état d’omniscience, d’omnipotence. Nous ne le concevons pas comme un état d’inaction totale, mais comme la condition suprême de la libération de toute contrainte. Il est vrai que nous ne pouvons imaginer une condition incorporelle de perception ou de connaissance ; car toutes nos idées et sensations dépendent de la condition du corps. Mais nous croyons que Nehan est l’état de vision infinie et de sagesse infinie et de paix spirituelle infinie.

 

Le chat rouge bondit sur les genoux du prêtre et s’y roula en boule en une posture de confort paresseux. Le vieil homme le caressa, et mon compagnon remarqua avec un petit rire :

— Voyez comme il est gras ! Peut-être a-t-il accompli de bonnes actions dans une vie antérieure.

— Est-ce que les conditions des animaux, demandai-je, dépendent elles aussi du mérite et du démérite dans leurs existences antérieures ?

Le prêtre me répondit sérieusement :

— Toutes les conditions de l’être dépendent de conditions préexistantes, et la Vie est Une. Il est heureux de naître dans le monde des hommes ; nous y trouvons une certaine édification, et des chances d’acquérir du mérite. L’état d’un animal est un état d’obscurité d’esprit, digne de notre pitié et de notre bienveillance. Aucun animal ne peut être considéré vraiment fortuné ; cependant même dans les vies des animaux il y a d’innombrables différences de conditions.

Un petit silence suivit, — rompu par le doux ronronnement du chat. Je regardai le portrait d’Adélaïde Neilson au-dessus de l’écran ; et je songeai à Juliette, et me demandai ce que le prêtre penserait de la merveilleuse histoire de passion et de douleur contée par Shakespeare, si j’étais capable de la relater convenablement en japonais. Alors tout à coup, comme en réponse à cette interrogation, il me vint le souvenir du deux-cent-quinzième verset du Dhammapada : (P11) « De l’amour vient le chagrin ; du chagrin vient la crainte : celui qui est libre de l’amour ne connaît ni le chagrin ni la crainte. »

— Est-ce que le Bouddhisme, demandai-je, enseigne que tout amour sexuel devrait être supprimé ? Un tel amour est-il nécessairement une entrave à l’illumination ? Je sais qu’il est défendu aux prêtres bouddhistes, sauf à ceux du Shin-Shû, de se marier ; mais je ne connais pas l’enseignement concernant le célibat et le mariage des laïcs.

— Le mariage peut être une entrave ou une aide sur le Chemin, dit le vieil homme, en fonction des conditions. Tout dépend des conditions. Si l’amour de l’épouse et de l’enfant induisait l’homme à trop s’attacher aux avantages temporaires de ce monde d’infortune, alors un tel amour serait une entrave. Mais si, au contraire, l’amour de l’épouse et de l’enfant aidait l’homme à vivre d’une façon plus pure, et plus altruiste qu’il ne l’aurait pu faire dans l’état de célibat, alors le mariage lui serait d’une très grande aide dans la recherche du Chemin Parfait. (P12) Nombreux sont les dangers du mariage pour les sages ; mais pour ceux de petit entendement, les dangers du célibat sont encore bien plus grands. Et parfois même, l’illusion de la passion peut mener de nobles natures vers la plus sublime connaissance. Il existe une légende à ce sujet. Dai-Mokukenren, (5) que les gens appellent Mokuren, était un disciple de Shaka. (6) C’était un bel homme ; et une jeune fille en tomba amoureuse. Comme il faisait déjà partie de l’Ordre, elle désespéra de jamais l’avoir pour mari ; et elle se tourmenta en secret. Mais enfin elle eut le courage d’aller trouver le Seigneur Bouddha, et de lui ouvrir tout son cœur. Et alors même qu’elle parlait, il la fit tomber en un profond sommeil ; et elle rêva qu’elle était l’heureuse épouse de Mokuren. Des années de contentement semblèrent s’écouler dans son rêve ; et puis vinrent des années où se mêlèrent la joie et la peine ; et soudain son mari lui fut ravi par la mort. Alors elle ressentit une telle douleur qu’elle se demanda comment elle pourrait continuer à vivre ; et elle se réveilla avec cette douleur, et vit le Bouddha sourire. Et il lui dit : « Petite Sœur, tu as vu. Choisis maintenant à ton gré, — soit d’être l’épouse de Mokuren, soit de rechercher la Voie plus haute dans laquelle il s’est engagé ». Alors elle coupa ses cheveux, et se fit religieuse, et plus tard elle parvint à la condition des êtres qui jamais ne renaîtront.

 

Pendant un moment, il me sembla que cette histoire ne démontrait pas comment l’illusion de l’amour pouvait conduire à la conquête de soi ; que la conversion de la jeune fille n’était que le résultat direct de la douloureuse vérité qui lui avait été imposée, et non une conséquence de son amour. Mais bientôt je réfléchis que la vision qui lui fut accordée n’aurait pas hautement influencé une âme égoïste et indigne. Je pensais aux inconvénients inexprimables que la possession de la prescience pourrait entraîner dans l’ordre actuel de la vie ; et je compris que c’était une bénédiction pour la majorité d’entre nous que l’avenir se dessine derrière un voile. Puis je rêvai que le pouvoir de soulever ce voile pourrait être un jour développé ou acquis, dès qu’une telle faculté pourrait apporter un réel bénéfice aux hommes, mais pas avant ; et je demandai :

— Est-ce que le pouvoir de voir l’Avenir peut être donné par l’illumination ?

Le prêtre répondit :

— Oui, lorsque nous serons parvenus à cet état d’illumination dans lequel nous obtenons les Roku-Jindzû, ou Six facultés mystérieuses, (P13) alors nous pourrons voir l’Avenir aussi bien que le Passé. Ce pouvoir vient en même temps que le pouvoir de se rappeler ses naissances antérieures. Mais il est très difficile, dans l’âge actuel du monde, d’arriver à cette condition de connaissance.

 

Mon compagnon me fit comprendre, d’un signe furtif, que l’heure était venue de prendre congé. Nous étions restés un peu longtemps — même au gré de l’étiquette japonaise, qui est généreuse à l’excès en ces matières. Je remerciai le maître du temple de son amabilité à répondre à mes questions fantastiques, et j’osai ajouter :

— Il y a cent autres questions dont je voudrais vous entretenir, mais aujourd’hui j’ai pris trop de votre temps. Puis-je revenir ?

— J’en serais très heureux, dit-il. Soyez content de revenir dès que vous le désirerez. J’espère que vous ne manquerez pas de m’interroger sur tous les points qui sont encore obscurs pour vous. C’est par la recherche sincère que la vérité peut être connue et les illusions dissipées. Venez même souvent, que je puisse vous parler du Shô-jô. Et acceptez ceci je vous prie.

Il me remit deux petits paquets. L’un contenait du sable blanc — du sable provenant du saint temple de Zenkôji, où toutes les bonnes âmes vont en pèlerinage après la mort. L’autre renfermait une minuscule pierre blanche, réputée être un shari, ou relique du corps d’un Bouddha.

 

J’espérais rendre visite souvent à l’aimable vieil homme. Mais un contrat d’enseignant m’appela loin de la cité et au delà des montagnes ; et je ne le revis plus.

 

II

CINQ ANS, tous passés très loin des ports des traités, s’enfuirent lentement avant que je revisse le Jizô-Dô. Bien des changements s’étaient accomplis à la fois hors de moi et en moi pendant ce temps. La belle illusion du Japon, le charme presque surnaturel qui vous enveloppe lorsqu’on pénètre pour la première fois dans son atmosphère magique, m’avaient en vérité longtemps enchanté, mais ils avaient fini par se dissiper. J’avais appris à voir l’Extrême-Orient sans sa séduction. Et je n’avais pas qu’un peu pleuré mes sensations du passé.

Mais un jour elles me revinrent toutes — juste pour un moment. J’étais à Yokohama, contemplant une fois de plus du haut des Falaises le divin fantôme du Fuji qui hantait la matinée d’avril. Dans cet immense flamboiement printanier de lumière bleue, l’émotion de mon premier jour au Japon me revint, le ravissement de mon premier émerveillement devant l’éclat d’un monde féerique inconnu empli de belles énigmes, — un pays d’Elfes qui possède un soleil spécial et des nuances d’atmosphère bien à lui. De nouveau je me sentis baigné dans un rêve de paix lumineuse ; de nouveau toutes les choses visibles se parèrent pour moi d’une immatérialité délicieuse. De nouveau le ciel d’Orient, tacheté seulement des plus légers fantômes blancs des nuages, tous sans ombres comme des Âmes pénétrant dans le Nirvana — devint pour moi le ciel même du Bouddha ; et les couleurs du matin parurent s’intensifier pour se fondre en celles de l’heure traditionnelle de sa naissance, lorsque les arbres longtemps morts refleurirent, et les brises se parfumèrent, et toutes les créatures vivantes se découvrirent des cœurs aimants. L’air semblait imprégné d’une vague douceur, comme si l’Enseigneur allait revenir ; et tous les visages qui passaient semblaient sourire en prémonition de l’apparition céleste.

Puis la spiritualité de l’heure se dissipa, et les choses redevinrent terrestres ; et je songeais à toutes les illusions que j’avais connues, et aux illusions du monde en tant que Vie, et à l’univers lui-même en tant qu’illusion. Sur quoi le nom Mu-Myo me revint à la mémoire ; et je m’en fus immédiatement à la recherche de l’ancien sage du Jizô-Dô.

Le quartier avait beaucoup changé ; de vieilles maisons avaient disparu, et de nouvelles s’alignaient merveilleusement. Je finis cependant par découvrir la cour, et je revis le petit temple tel que je me le rappelais. Des femmes se tenaient devant l’entrée ; et un jeune prêtre que je n’avais jamais vu auparavant jouait avec un bébé ; et les petites mains brunes de l’enfant caressaient son visage rasé. C’était un visage bienveillant, et intelligent, aux très longs yeux.

— II y a cinq ans, lui dis-je en mon japonais hésitant, j’ai visité ce temple. En ce temps-là il y avait ici un bonsan âgé.

Le jeune bonsan remit le bébé dans les bras d’une femme qui semblait être la mère, et me répondit :

— Oui, il est décédé — ce vieux prêtre ; et j’occupe maintenant sa place. Daignez honorablement entrer.

J’entrai. Le petit sanctuaire ne paraissait plus intéressant : toute sa naïve joliesse s’était envolée. Jizô souriait toujours au-dessus de sa bavette ; mais les autres divinités avaient disparu, ainsi que bien des offrandes votives — y compris le portrait d’Adélaïde Neilson. Le prêtre essaya de m’installer à mon aise dans la chambre où le vieil homme avait coutume d’écrire, et il plaça devant moi un nécessaire de fumeurs. Je cherchai du regard les livres dans l’angle ; ils avaient eux-aussi disparu. Tout semblait changé. Je demandai :

— Quand est-il décédé ?

— Seulement l’hiver dernier, répondit le desservant, pendant la Période du Plus Grand Froid. Comme il ne pouvait plus marcher, il souffrait beaucoup du froid. Voici son ihai.

Il alla à une alcôve garnie de planches encombrées d’un fouillis d’objets indescriptibles, — peut-être de vieux débris de choses sacrées, — et il ouvrit les battants d’un très petit butsudan, placé entre des vases en verre pleins de fleurs. À l’intérieur je vis la tablette mortuaire, — de laque noire fraîche et d’or. Le prêtre alluma une petite lampe devant, disposa un bâton d’encens fumant, et dit :

— Pardonnez mon absence impolie pendant quelques instants ; car des paroissiens m’attendent.

Ainsi laissé seul, je regardai le ihai et contemplai la flamme droite de la lampe immobile, et les lentes volutes bleues de l’encens, — me demandant si l’esprit du vieil homme se trouvait là. Après un moment, j’eus l’impression qu’il y était en vérité, et je m’adressai à lui sans paroles. Puis je remarquai que les vases à fleurs de chaque côté du butsudan portaient toujours le nom de Toussaint Cosnard de Bordeaux, et que la boîte à encens avait toujours sa légende familière de cigarettes richement parfumées. Parcourant du regard la pièce, j’aperçus aussi le chat rouge, profondément endormi dans un coin ensoleillé. J’allai à lui, et je le caressai ; mais il ne me reconnut point et entr’ouvrit à peine ses yeux las. Il avait le pelage plus soyeux que jamais, et semblait heureux. Près de l’entrée j’entendis un murmure plaintif ; puis la voix du prêtre qui répétait avec bienveillance quelque réponse à moitié comprise à ses questions : « Une femme de dix-neuf ans, oui. Et un homme de vingt-sept ans, — est-ce cela ? » Puis je me levai pour partir.

— Pardon, fit le prêtre, en levant sa tête penchée sur ses écritures, tandis que les pauvres femmes me saluaient, encore un petit instant !

— Non pas, répondis-je. Je ne veux pas vous interrompre. J’étais seulement venu pour voir le vieil homme, et j’ai vu son ihai. Ceci, ma petite offrande, était pour lui ; daignez l’accepter pour vous-même.

— Ne voulez-vous pas attendre un moment, afin que je puisse savoir votre nom ?

— Peut-être reviendrai-je, dis-je évasivement. La nonne âgée est-elle aussi décédée ?

— Oh non ! Elle vaque toujours aux soins du temple. Elle est sortie, mais elle va bientôt rentrer. Ne voulez-vous pas l’attendre ? Ne désirez-vous rien ?

— Seulement une prière, répondis-je. Mon nom importe peu. Un homme de quarante-quatre ans. Priez qu’il puisse obtenir ce qui est le meilleur pour lui.

Le prêtre inscrivit quelques mots. Certes, ce pourquoi je lui avais demandé de prier n’était pas le désir du « fond de mon cœur ». Mais je savais que le Seigneur Bouddha ne prêterait jamais l’oreille à une prière insensée implorant le retour des illusions perdues.


NOTES de LAFCADIO HEARN :

(1) Sanscrit : Bhûta-Tathâta : la nature au sens absolu.

(2) Sanscrit : Avidya : Ignorance, nescience.

(3) Sanscrit : Tathâgata-garbha. Le terme « Tathâgata » (Japonais Nyôrai) est le titre le plus élevé d’un Bouddha. Il signifie « Un dont la venue est pareille à la venue de ses prédécesseurs ».

(4) Nirvâna.

(5) Sanscrit : Mahâmaudgalyâyana, qui est avec Çaripûtra l’un des deux grands disciples du Bouddha.

(6) Terme japonais pour Çakyamouni.

NOTES COMPLÉMENTAIRES (de MARC LOGÉ pour la plupart) :

(P1) Petit temple de Yokohama, consacré à Jizô, dieu protecteur et compagnon des enfants morts.

(P2) Bloc de bois en forme de tête de dauphin, et qui est frappé comme accompagnement au chant des sûtras bouddhistes.

(P3) Petit oiseau sacré, proche du rossignol, qui répète comme une litanie le saint nom des Sûtras : « Ho-ke-kyô », et que l’on considère, pour cette raison, comme professant le Bouddhisme.

(P4) Pour dire que le Bouddha a « prêché sa doctrine » les textes sacrés emploient cette métaphore : Il a fait tourner la Roue de la Loi.

(P5) L’Océan du Monde.

(P6) La barque idéale qui permet de traverser la Mer de la Naissance et de la Mort, et d’aborder de l’autre rive celle du salut.

(P7) Il s’agit du grand schisme du Bouddhisme désigné par les noms de Mahâyâna et Hînayâna (sanscrit) qu’on traduit ordinairement par les termes de « grand » et « petit » véhicule, et qui seraient plus exactement traduits par : « Voie Supérieure », et « Voie Inférieure ».

(P8) (Bosatsu en japonais) Nom d’un être prédestiné à l’illumination.

(P9) Nembutsu : prière consistant a réciter la phrase : Je t’adore, ô éternel Bouddha !

(P10) Il s’agit probablement de la naissance miraculeuse qui se produit sans l’intermédiaire de parents et de façon toute spontanée dans le monde des dieux.

(P11) [Note de Happy] Voir le beau site consacré au Dhammapada, « le plus beau et le plus riche des recueils en stances poétiques du Canon Pali ». Il y a peut-être ici une confusion entre deux versets de ce recueil (Voir en XVI - Versets sur les affections), d’une part le verset 213 : « De l’amour naît le chagrin, de l’amour naît la crainte, pour celui qui est complètement libre d’amour (, il n’y a pas de chagrin) ; d’où alors la crainte ? » ; et d’autre part le verset 215 : « Du désir sensuel naît le chagrin, du désir sensuel naît la crainte, pour celui qui est complètement libre du désir sensuel, il n’y a pas de chagrin, d’où alors la crainte ? » — (traduction française d’après la traduction anglaise due au Vénérable Maha Thera Narada.)

(P12) Il s’agit sans doute du noble « chemin à huit embranchements » que recommande le Bouddha : doctrine droite, parole droite, action droite, profession droite, tendance droite, attention droite, méditation droite et intention droite. [Complément de Happy : La terminologie actuelle semble être « l’Octuple Noble Chemin : Compréhension juste, Pensée juste, Parole juste, Action juste, Moyens d’existence justes, Effort juste, Attention juste et Concentration juste. »]

(P13) Six abhijûâ, ou six facultés surnaturelles : pouvoir magique de se transformer à volonté, vue à n’importe quelle distance, ouïe à n’importe quelle distance, pénétration de la Pensée d’autrui, souvenir de ses existences antérieures et de celles des autres, pouvoir de détruire les passions.


happy   dans   Nippon    Mercredi 1 Septembre 2010, 01:24

 



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