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90 Henri Pourrat — La grenouillette
(1887-1959)

Le Trésor des Contes

Le conte de la grenouillette

Il y avait une fois, à Saint-Amand-Roche-Savine, un roi qui avait trois fils. Ce roi prenait de l’âge : il se faisait un peu perclus, un peu sourd ; pour tout dire, se sentant fatigué, il aurait volontiers fait son partage devant notaire.

Mais à qui donner sa couronne ? S’il devenait vieux, il n’était pas devenu bête. « Mes trois garçons, s’avouait-il, on ne peut pas les dire de ces fins, fins, finauds... »

Hé non, pas de ces fins à passer par un trou d’aiguille. Surtout le dernier, celui qu’on appelait Bedoce. Pauvre Bedoce ! Imbécile ? Non pas, sans doute, mais simple, mais innocent : tout naïvement court d’esprit.

Le roi pensait à ses trois fils et soupirait.

Un beau jour, puisqu’il le fallait, il décida de les mettre à l’épreuve.

« Bêtes ils sont, bêtes ils resteront. Qui pourrait les changer de peau ? S’ils savaient épouser pourtant quelque finette, voilà qui amenderait leur bêtise. C’est la femme qui fait la maison. »

 

En ce temps-là, toutes les femmes étaient d’abord fileuses. Ce père-roi avait trois plants de chanvre. Un matin, à l’heure de la soupe, il appelle ses trois fils, il leur remet à chacun un des plants, leur recommande de faire peigner ce chanvre et d’en faire faire du fil.

— Nous verrons de vous trois lequel m’apportera le peloton le plus fin : bien tordu, lisse, uni, solide ! Enfin le mieux filé ! Sachez que ce sera de grosse conséquence !

Si bêtes fussent-ils, ils comprirent que l’épreuve allait à la couronne.

Ils partirent pour Fournols, et ils allèrent au grand pacage. En ce temps-là, toutes les bergères y menaient leurs troupeaux. On était à la croix de mai, ce 3 mai, qui est le jour où partout on lâche les vaches. Toutes s’escarmouchaient, là-haut, au vert naissant de l’herbe, couraient, faisaient les folles en démenant la queue.

Et les bergères aussi couraient après les bêtes, criaient, riaient et s’en donnaient. Tout était donc en mouvement sur la montagne. Les deux aînés aidèrent ces filles, ils tapèrent sur les bêtes, coururent, crièrent, et s’en donnèrent. Enfin, ils firent leurs affaires. Chacun se choisit une mie, se fit une maîtresse, en tout bien, tout honneur, quelque belle plante de fille, renforcie, rebondie, à la joue rouge comme pomme.

Quand ils eurent ainsi chacun sa prétendue, ils lui remirent leur chanvre, disant ce dont il s’agissait. Aussitôt, dans leur bon vouloir, les filles se mirent à filer la quenouille. Et peut-être qu’elles n’étaient pas des plus habiles, — de leurs mains en battoir elles tordaient ce fil gros comme le petit doigt, — mais elles faisaient bien bravement ce qu’elles pouvaient. Les deux aînés, le brin d’herbe aux dents, l’épaule haute, revinrent donc tout fiers au château de leur père.

 

Pendant ce temps, que faisait le Bedoce ?

Ha, Bedoce ! Il avait voulu suivre ses frères au pâturage. Mais il les suivait d’un peu loin, en chien battu, car il croyait que même la plus dépourvue des bergères ne daignerait vouloir de lui.

Ses frères s’étaient retournés, et, lui voyant si pauvre mine, ils s’étaient dit que Bedoce leur porterait tort. Ils l’avaient traité d’innocent et chassé d’un grand tour de bras.

— Les filles te prendraient bien à coups de bâton, pauvre simple !

 

Portant son chanvre comme une chandelle, Bedoce se réfugia au fond des prés, sous le bois des Fayes. Arrivé là, il se laissa aller sur un quartier de pierre, et se mit à pleurer.

Grosses comme des pois, les larmes lui déroulaient des yeux jusqu’au menton, et tombaient au ruisseau.

Le chagrin le tenait si fort qu’il ne vit même pas une rainette sortie de l’eau sauter sur son sabot, et le considérer avec compassion. Par une permission de Dieu, voilà que cette grenouille parle.

— Quoi, quoi, quoi ? Qu’est-ce que tu as, dis-le moi, ô pauvre Bedoce ?

Bedoce avait tant d’innocence qu’il ne fut pas tellement étonné d’entendre une grenouille verte l’appeler par son nom. Il releva le nez, tenant toujours son plant de chanvre comme un cierge.

— Quoi, ce que j’ai ? Te le dire, pauvre grenouille ? Eh bien, il y a que mon père se fait vieux, qu’il veut faire son partage, et il a remis à chacun de nous trois un plant de chanvre à faire filer. La couronne, disent mes frères, ira à celui qui rapportera le fil le plus beau, le plus fin. Eux sont allés courtiser les bergères, se faire chacun une maîtresse. Moi, je n’ai pas de mie qui veuille me regarder ; aucune fille ne filera mon chanvre.

— Quoi, quoi, quoi ! Donne-la-moi, cette filasse, je la filerai, moi, oui, moi !

— Toi ! Hé, tu n’es qu’une grenouille ! Toi, filer ? faire du fil ?

— Quoi, quoi, moi ? Donne-moi ! Donne-moi ! Dans huit jours, revient çà, reviens et appelle-moi :

Grenouille, grenouillette,
M’amour, mes amourettes !

Tu verras, ô pauvre Bedoce, tu verras !

— Eh bien, té, perdu pour perdu, voilà ce chanvre, pauvre grenouille !

La grenouille n’a pas plus tôt cette filasse, qu’elle saute avec le paquet dans le ruisseau.

Et Bedoce, le nez sur ses sabots, se demandant s’il n’a pas fait un songe, retourne chez son père.

 

Un matin, à l’heure de la soupe, le roi rappelle ses garçons.

— La semaine a passé : le chanvre doit être filé. Que chacun me rapporte son peloton de fil.

Les deux aînés s’en vont gaillardement au pâturage.

Bedoce, lui, que pouvait-il faire ? Avec sa filasse au fond de l’eau, confiée à une grenouille !

Ma foi, pour faire comme eux, ne sachant que faire d’autre, il va au bois des Fayes.

Il arrive au bord du ruisseau, et que l’herbe était verte ! « Mais ma grenouille était plus verte encore ! » se disait-il. Si verte, pourtant, l’herbe, et des grains d’eau partout sur ces brins et ces pointes, sur les découpures de la feuille. C’était tout plein de fleurs : et la fleur d’aimez-moi, et la fleur de pensée, la véronique, le souci d’eau, le bouton-d’or, quarante et cent demoiselettes. Et des fleurs, et des fleurs et des fleurs, et des fleurs ! Un foisonnement de verdeur, de couleurs, de fraîcheurs innocentes, de touches de bleu, de rouge et rose, de violet, d’écarlate, en éclats dans le jour. Toute la multitude de vies de la prairie ; comme la multitude de tirelis des alouettes, par le milieu de l’air, ou celle des mille bruits que menait le ruisseau en fluant vite sur ses pierres luisantes. Cela faisait dans l’esprit de Bedoce un pays de la verdure, des perles d’eau, de la merveille, dont sa rainette était la reine. Et ravi, comme un enchanté, il ne pouvait seulement plus se rappeler ce qu’il avait à dire pour faire venir sa bonne amie.

Gargoulette, grogoulette, gergouillette...

— Quoi, quoi, quoi ? fit la grenouille en sortant du ruisseau, verte et faite à plaisir, comme ces herbes et ces fleurs. Toi, tu ne pourrais pas dire, pour l’amour de moi comme il faut que ce soit :

Grenouille, grenouillette,
M’amour, mes amourettes !?

Allons, répète-moi !

Il répéta tout aussitôt, le pauvre Bedoce. Son amie la rainette lui remit alors une fusée de fil. Et quel fil ! Solide comme du fil d’archal, mais encore plus fin que celui des aragnes.

— Ho, merci, ma grenouille, merci de toi et de tes peines.

— Tu vois, tu vois ! Porte chez toi, pauvre Bedoce, porte à ton père le roi ! Que je te voie en joie, maintenant, pour l’amour de moi !

Lui, remercie joyeusement sa mie grenouille et ses bons yeux tout pleins d’entente et d’amitié disaient encore mieux merci. Puis il met la fusée dans la poche de sa blouse, et s’en retourne au château de son père.

 

Ses deux aînés venaient d’arriver. Ils avaient tous les deux présenté leur peloton. Le roi hochait la tête, devant ce fil, gros comme corde à lessive, plein de nœuds, plein de bûches... Il regardait les deux pelotes et soupirait.

Là-dessus entra son plus jeune. Le roi leva les yeux, lui fit signe d’approcher. De celui-là, de ce pauvre Bedoce il n’attendait à peu près rien. Cependant, par acquit de conscience, il lui a demandé son fil.

Bedoce tire la fusée de sa poche et la présente respectueusement sur son chapeau. Le roi la prend, la regarde, regarde de plus près, manque de tomber de son trône.

— Ah mais, disait-il à mi-voix, ah mais, ah mais...

Dans sa surprise, il ne pouvait rien dire de plus.

Il s’attendait si peu à cela ! Un fil qu’on aurait cru filé par la reine des filandières : égal, uni, coulant comme une soie ; le roi tirait dessus sans arriver à le casser, pelotonnait, dépelotonnait, ne se lassait pas d’admirer;

— Je ne peux pourtant pas laisser aller le royaume aux mains d’un innocent. Et puis, ce n’est pas tout pour une femme d’être bonne fileuse. Il faudrait, il faudrait...

À ce moment, tout juste, — ce fut le sort qui le voulut, — le ministre vint dire au roi que la chienne de la maison venait de faire trois jolis petits chiots.

— Bon, dit le roi, c’est ce qu’il nous fallait. Mes fils, voici trois bichons à élever : prenez-en chacun un : celui qui dans trois mois rapportera la bête la mieux apprise, celui-là aura mon royaume.

Les deux aînés fourrent le chiot tout tâtonnant, tout gémissant dans leur blouse. Le lendemain, remontent à Fournols, et vont au pâturage confier le petit élève à leur bergère.

Bedoce, lui, retourne à son ruisseau. Plus désolé que la première fois ! Ses larmes, en grosse pluie, déroulaient jusqu’à son bréchet.

— Quoi, quoi, quoi ? fit Grenouillette, sautant sur une motte. Le fil n’allait donc pas ? ou bien quoi, alors, quoi ?

— Et si, pauvre grenouille, ce fil était le plus beau, comme filé de la main d’une reine. Mais mon père, maintenant, nous donne un petit chien, oui, un chien à faire élever par nos maîtresses. Et moi qui n’ai pas de maîtresse, comment ferai-je ? Regarde-la, cette pauvre petite boule de bichon !

— Donne-le-moi, donne-le-moi ! Suis-je pas ta maîtresse, moi ?

— Et mais, ma Grenouillette, tu vas me le noyer...

— Que non pas, que non pas ! Donne-le-moi, revient çà dans trois mois. Mais cette fois, rappelle-toi :

Grenouille, grenouillette,
M’amour, mes amourettes !

Tu te rappelleras ? Et fie-toi en moi !

Tout éperdu, tout enchanté, le pauvre Bedoce a répété ; et Grenouillette emportant ce chien nouveau-né a plongé au profond de l’eau, entre ces herbes.

Bedoce n’était pas seulement content de tant de gentillesse, il en était tout pénétré. Sa tête s’y perdait encore, mais du meilleur du cœur il se fiait à sa Grenouillette.

Est retourné au château de son père, sans trop savoir quels chemins il prenait. Et ces trois mois, mai, juin, juillet, les a passés comme en l’enchantement d’un songe.

 

Vint le jour où le roi demanda les bichons. Les deux aînés coururent à Fournols : ils allèrent les prendre des mains de leurs bergères. Ils n’étaient pas jolis, jolis, ces chiens ! Le poil embroussaillé, plein de bûches, de crottes, comme le fameux peloton, et à peu près de sa couleur d’étoupe. Et la patte levée contre toutes les huches, tous les coins de bahuts. Pas même bons à tourner les vaches dans le pâturage ! Ils ne savaient que gambader, baver, mordiller les souliers, et aboyer à vous rompre la tête.

Bedoce était parti, lui, pour le bois des Fayes. Et cette fois, arrivé au ruisseau, il sut chanter par cœur :

Grenouille, grenouillette,
M’amour, mes amourettes !

— C’est donc toi, te voilà, te voilà, c’est donc toi ! s’écrie aussitôt Grenouillette, en sautant sur le pré. Ton chien est là, tu pourras le porter au roi.

En même temps elle le lui fait voir, dormant dans une corbeille, un ruban rose au col : un petit chien de plaisance, blanc comme neige en ses soies qui brillaient, lavé, peigné, frisé, fleurant le chèvrefeuille.

Bedoce n’arrivait pas à remercier sa Grenouillette comme il aurait voulu. Et si fier de rapporter ce petit chien, si bien lancé, qu’il rentre en un quart d’heure au château de son père.

Il n’a pas plus tôt posé sa corbeille à terre, dans la grand-salle, que le petit chien saute, court jusqu’au roi, donne la patte, et rend caresse pour caresse. Cent gentillesses enfin, tout frétillant, mais ne japant qu’à peine. Puis, comme, pour ses raisons, il désirait sortir, il gagne la porte, discrètement la gratte...

Pendant ce temps, les chiens des deux aînés aboyaient, tournoyaient, déchiquetaient les pantoufles du roi, et, — parlant par respect, — pissaient partout.

Le roi, en grand embarras, hochait la tête.

— Mais une femme, — a-t-il conclu — n’est point toute bonne parce qu’habile à filer le chanvre ou entendue à élever les bêtes. Il faut qu’elle sache mener une maison et se bien comporter envers tout le monde.

« Mes fils, a-t-il dit, écoutez : vous allez maintenant m’amener vos maîtresses. Celui qui aura le mieux choisi et la plus belle, celui-là aura la couronne. »

 

Les deux aînés prennent leurs jambes à leur cou ; ils montent à Fournols, tout courant, tout volant. Comme ils n’avaient pas le cerveau bien délié, ni l’œil fait pour tout démêler, ils ne faisaient pas grosse différence entre les trois pelotons de fil, ni même entre les trois bichons. Et comme chacun, fier de sa belle, la tenait pour la plus belle des filles, il était à part soi bien certain de gagner.

Il y a de si plaisantes bergères dans la montagne. Eux, ils avaient choisi les plus rougeaudes, et les plus requinquées, rondes à rondeler du haut en bas du pré. Comme s’ils n’en voulaient qu’au poids ! Ha, ils étaient servis. De vraies gingandes, selon le mot du pays... Et le cossu de ces toilettes : des robes d’une serge aussi épaisse que la main, et qui, si elles les avaient quittées, se seraient tenues droites par terre, comme des cloches.

Enfin, c’était le choix de ces garçons. Que voulez-vous ? N’est pas beau cela qui est beau : est beau cela qui parle au goût.

Et Bedoce ?

Et le pauvre Bedoce, totalement démonté, pour le coup, était allé au bois des Fayes. Plus par habitude que par certitude. Pleurant, pleurant, les larmes lui déroulaient des yeux jusqu’aux sabots. Il avait appelé Grenouille, Grenouillette et lui avait chanté sa peine. Cette fois-là, c’en était fait ! Il ne s’agissait plus d’apporter un peloton de fil, un petit chien...

— Mon père veut que nous lui amenions notre maîtresse. Et moi, dis, Grenouillette, que veux-tu que je fasse ? De maîtresse, moi, je n’en ai point.

— Quoi, quoi, quoi ? O Bedoce, et moi ?

— Toi, ma Grenouille, ma Grenouillette ? Tu es, toi, la grenouille verte dans l’eau du ru et dans les feuilles d’herbe ! Vois-tu que j’amène une grenouille, disant qu’elle sera ma femme !

— Fie-toi en moi, fie-toi en moi ! Prends-moi pour femme, tu verras !

— Hé, pauvre Grenouillette, que ferai-je de toi ? Tu sauterais de dalle en dalle, au château de mon père...

— Viens chez moi, d’abord, tu verras ! Fie-toi en moi, Bedoce, fie-toi en moi ! Prends-moi pour femme.

— Je le veux bien ! Ma femme sois !

Oh, du meilleur du cœur, de tout son sens, si elle voulait, il s’est fié à sa mie Grenouillette. Elle le tirait vers le ruisseau ; lui, il aurait pu croire qu’il allait se noyer : mais il s’est fié à elle, à l’eau qui court, et aux fleurs d’aimez-moi, et aux fleurs de pensée. Il s’est jeté à l’eau, à l’eau avec sa mie.

Pas plus tôt dedans, l’eau s’écarte. Apparaît dans le fond le plus beau des châteaux : un château tout de miroirs et d’argent, tel que personne n’aurait cru qu’il pût y en avoir au monde. Ho, la merveille ! Et ce n’était encore rien en regard d’une autre merveille : à côté du garçon, plus de rainette verte : une belle princesse, tout aux couleurs de l’espérance, la belle des belles ! Par quelque sort jeté, comme il s’en jetait en ces temps, elle, qui était fille de roi, avait été changée en rainette de l’herbe. Un sort de fées, et qui ne pouvait être levé que lorsqu’un fils de roi accepterait d’en faire sa femme en la prenant sous forme de grenouille.

Il fallait trouver un agneau comme Bedoce, un de ces innocents qui à travers les choses sentent ce que tant d’autres ne sauraient pas sentir. Un de ceux qui peuvent aimer naïvement l’eau fraîche, et la verdure à perlettes d’eau claire, verduron, verdurette et verduron don don.

Et lui, Bedoce, le dernier fils du roi, il lui fallait trouver pour mie, pour compagne à toujours, cette petite princesse verte, au cœur net comme une perle ! Dès qu’il la vit princesse, il sentit son esprit s’ouvrir, s’étendre ; et dès qu’il lui eut pris la main, il ne fut plus bête du tout.

Un carrosse les attendait devant la porte. Tout de glaces aussi dans l’argent. Mais ils n’avaient nul besoin de miroirs : les yeux de l’un faisaient miroir à l’autre... Ils montent dans ce carrosse, se tenant par le petit doigt. Lui, clair comme un enfant, tout riant, tout vaillant, tout éveillé et tout émerveillé ; elle, sa mie Grenouillette, fine, mignonne, plus que fille sur terre, plus avisée qu’aucune, aussi, et cependant toute partie en ce rêve. Fouette cocher ! Les voilà embarqués.

 

Ils arrivent au château du roi, suivis de tous les gens qui reconnaissaient Bedoce, — on l’aimait tant dans le pays, — qui s’appelaient, s’attrapaient et couraient, et en l’honneur de ces deux-là, si rayonnants, ils jetaient leurs bonnets en l’air et se mettaient à rayonner comme eux.

Au château, les deux gingandes étaient déjà installées : deux braves demi-géantes, aux visages d’un arpent, aussi rouges que peut l’être la cenelle du buisson. Chacune se demandant qui commanderait à l’autre, elles commençaient, ma foi, à se lorgner de travers.

Mais aux sonnailles du carrosse et aux cris de joie de ce peuple, tout le monde de la cour vite, vite, en brouhaha, se précipite sur la porte. Ha, que voit-on ? Bedoce, oui, c’est Bedoce, le même et pourtant tout changé : et il a sauté à terre, léger comme un passereau. Il a présenté le poing à la plus jolie des princesses. S’appuyant à peine dessus, elle aussi descend d’un bond. Tous les deux, lui chapeau bas, ils viennent faire au roi la grande révérence.

— Mon père, voici ma mie !

« Mon fils, faillit dire le roi, voici donc ma couronne ! »

Mais il était le roi de la prudence.

« Ne suffit, se dit-il, qu’une fille soit habile fileuse, ni bien apprise à élever les bêtes, ni de figure si belle et de si beau maintien : il faut la voir en une maison et ce qu’elle sait y faire. »

 

Là-dessus, comme si le sort même entendait mettre les trois brus à l’épreuve, le roi ne tomba-t-il pas malade ?

Non malade pour les éprouver. La surprise tout de bon lui avait retourné les sangs. Malade, vrai malade : « Du moins, je serai bien soigné : trois belles-filles autour de moi. »

Mais les prétendues des aînés ne savaient qu’une chose : prendre un peu plus de mine chaque jour, tant leur profitait la cuisine du château, rôtis, pâtés et tartes. Elles ne faisaient que cela : profiter et rien d’autre, car on ne fait pas bien deux choses à la fois. Grenouillette, elle, sut soigner le père de son prétendu, lui apporter quelque tisane sucrée au miel, ou quelque chatterie qu’elle venait de tirer du four, le distraire quand il le fallait, et quand il le fallait le laisser reposer.

Si bien enfin sut le soigner qu’en trois jours le remit sur pied. Et la première chose qu’a faite le roi, dès qu’il s’est revu debout dans ses sabots, ç’a été de donner son royaume à Bedoce, pour l’amour de la Grenouillette.

— Aux noces ! Gens du pays, venez tous à leurs noces !

Oui, tout Saint-Amand en était. Car on a marié aussi les deux aînés, en leur donnant beaucoup de terres, beaucoup de bois, beaucoup de vaches pour que leurs braves bergères de femmes prennent toujours plaisir à mener paître au grand pacage. Sur ce pied tout le monde s’est trouvé si heureux qu’ils ont tous été rois et reines.

Et barri, barra !
Mouon couonte is chaba !

 


happy   dans   Merveilles    Lundi 20 Décembre 2004, 11:58

 


 


d ’ é c h o   e n   é c h o s

 

Silencieuse
Silencieuse
25-02-05
à 12:17

1  

Merci pour ce zolie zolie ptt mignon conte !;) j'ai bien aimé et j'ai bcp aimé cette phrase :

Grenouille, grenouillette,
M'amour, mes amourettes !
bizou:)

IMEN EL AINI
20-12-07
à 18:44

2  Re: tu as raison

ce conte est tellement magnifique.je l'ai beaucoup aimé.ici leroi n'a pas comparé ses fils mais il a comparé les femmes.je crois que le narrateur veut dire que derrière chaque un grand homme il y a une femme.



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